« Bonjour, nous sommes le quaternaire 6258, le dôme est en parfait état, la température extérieure est de 21°. Si vous avez encore vos 4 heures de sortie, regardez le planning national en vigueur aujourd'hui. Pensez à renouveler votre carte personnelle de disponibilité d'extérieur pour le mois. Bonne journée à tous »

Une musique lénifiante se déversa dans l'appartement et l'homme grogna, puis bougea un peu.

Il émergeait doucement.

« Bonjour Sebastian, est-ce que vous allez bien ce matin ? »

La voix de Dolores acheva de le réveiller. Il fallait sortir du lit.

Il se leva, alla se soulager dans l’ioniseur. Passa sous le portique hygiènisateur.

Puis il alla choisir ses vêtements du jour. Il ouvrit son « armoire » pour admirer ses trouvailles.

Voilà où se trouvait son unique luxe : chercher dans des vêtements du temps d'avant, refuser ces habits virtuels que l'on se peignait sur soi ou plutôt que l'on revêtait comme une tunique iridescente dont le seul choix était la texture, le coloris, l'aspect. Rien que d'y penser, il en frémissait d'horreur.

Alors que là, il prenait un plaisir extrême à toucher les étoffes, à choisir les matières.

Aujourd'hui, il opta pour un pantalon que l'on appelait « jean » à l'époque et d'un haut « Tee-shirt » parme sur lequel figurait un dessin marqué « L.A. La cité des Anges » en vert pomme.

Il prit des chaussettes, de couleur verte également. Puis, il choisit soigneusement les chaussures. C'était là, le clou de sa collection ; les éléments les plus rares et les plus difficiles à trouver.

« Monsieur ne ressemble à aucun autre » dans la voix de Dolores, juste l'appréciation qu'il fallait pour flatter son ego.

« Le petit déjeuner est servi. Vous trouverez vos pilules sur la table, devant la fenêtre.

Sebastian s'installa, regarda les pilules en soupirant. Il aurait tellement voulu connaître la sensation d'un vrai café, d'étaler du beurre sur un petit pain frais tout chaud, un jus de mandarine... et de sentir l'odeur des œufs brouillés tout juste cuisinés.

Son esprit s'égara sur les sentiers de la nostalgie... Pourquoi cette civilisation avait évolué, ou plutôt dévolué, au point d'arriver à une société aseptisée, sans relief, où tout était contrôlé, calibré.

Il regrettait ce qu'il ressentait comme un éden perdu et ses pensées commencèrent à tourner vers la récrimination, à la limite de la colère.

« Monsieur ne devrait pas s'énerver, c'est mauvais pour sa tension, pour son cœur. Dois-je prévenir le pacificateur ? »

« Non, non Dolores, je vais bien »

« Monsieur devrait regarder par la fenêtre, le lac est si beau ce matin et ces cygnes qui glissent doucement sur l'onde devrait vous calmer »

Avec un soupir, Sebastian regarda par la fenêtre et jeta un coup d'œil à ces crétins de cygnes dont il savait parfaitement qu'ils n'étaient que des automates reproduisant les animaux d'antan.

« Monsieur semble avoir des problèmes pour se calmer. Il me semble judicieux d'appeler la brigade »

« Non Dolores, c'est inutile. De toutes façons, je pars au travail »

Sebastian alla chercher une veste à capuche pour affronter l'extérieur. Sur le dos était inscrit « HAPPY » avec des fleurs en couronne autour du mot.

Une fois à l'extérieur, il s'obligea à avoir une pensée lisse, calme, sans aucune vague de récrimination.

Il se dirigea vers le parc, croisa des gens souriant béatement en écoutant les oiseaux artificiels.

Il leva les yeux vers le dôme. A l'extérieur, il lui semblait que la tempête continuait, imperturbable, permanente, annihilant toute vie qui sortait du dôme sans protection.

Il se chapitra, penser au passé ne servait à rien, il lui fallait vivre sa vie dans les conditions qui se présentaient à lui, même s'il aurait adoré vivre dans le passé.

« Bien Monsieur ! Vous êtes parfaitement calme maintenant. Passez une bonne journée. Par contre, passez par l'ouest du parc, à la sortie Nord, un problème condamne la porte, si vous passez par la porte Ouest, vous gagnerez 10 minutes sur votre trajet ».

« Merci Dolores »

« Monsieur Calmann a appelé ; il voudrait vous voir. Il a trouvé un stock de vêtements et de chaussures. Il vous demande de passer le voir à 15h00 »

« Ah ! Super. Merci beaucoup Dolores, je passerai le voir ».

Quelle belle innovation que ces puces qui permettaient à son assistante virtuelle de le joindre où qu'il soit !

Sebastian était heureux, la journée s'annonçait bien. Oubliés les regrets du matin. La vie était belle, belle !

Il regarda les cygnes glisser doucement sur l'onde. Leur glissement était tellement beau qu'il resta à les contempler quelques secondes.

Lorsqu'il sortit du jardin, il affichait le même sourire béat que les autres.

 

Marylo
30/04/2020

 

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