Découvrez les textes créés par l’atelier d’écriture de la médiathèque de Leuville.

La consigne était d'écrire un texte commençant par "Cela va faire trois ans que je n'ai pas revu..."

 

Cela va faire trois ans... - Claire

Cela va faire trois ans que je n’ai pas revu ce lieu si cher à mon amie et si exceptionnel pour moi.

Connu pourtant depuis mon enfance, il m’a été autorisé de le rencontrer, souvent en été, parfois au printemps, jamais en hiver et pas depuis ces trois dernières années.

Ce lieu si exceptionnel avait révélé sa superbe quand j’avais douze ans, lors d’une invitation inattendue et accueillie avec beaucoup d’entrain. Ma meilleure amie de l’époque, qui l’est toujours aujourd’hui, partait en vacances et n’envisageait pas que cela ne soit pas mon cas. Il avait donc été rapidement entendu que pour remédier à cette discrimination, je ferai partie du voyage des vacances scolaires de Pâques avec ses deux sœurs et ses parents. La famille m’était connue mais la destination non. Elle n’avait d’ailleurs, à l’époque, aucune importance. C’était avec soin et excitation que j’avais préparé mes bagages. J’avais une soif de découvertes et d’inattendu dans les activités qui se préparaient avec cette nouvelle famille. Pourtant, je n’avais jamais imaginé que le lieu qui m’attendait dépasserait mes plus grands espoirs.

Ne m’étant pas intéressée à la destination, la route m’avait parue interminable. J’étais loin d’avoir compris qu’un tel lieu se méritait. Après une dizaine d’heures nous arrivâmes de nuit, sur un gravier bruyant et dans une maison froide envahie rapidement par les multiples aménagements nécessaires pour la nuit.

Au matin, mes priorités furent tout naturellement : le petit déjeuner et les jeux installés sur la table basse du salon. Pourtant, très attiré par une autre pièce, mon regard se posa sur la salle à manger et sa baie vitrée située à l’opposée de la pièce. Et c’est là, stupéfaite, que je restai en admiration devant la plus belle vue que je n’avais jamais vu et que m’offrait ce lieu exceptionnel. Sur ma gauche, s’étalait la vallée couverte de maisons de village et une végétation luxuriante. Enfin, dans une palette de couleurs opposées mais tout aussi lumineuses, à ma droite, pour la première fois, je voyais à perte de vue la mer et le bleu du ciel. Cet instant resterait à jamais gravé dans ma mémoire et ce lieu serait pour toujours un « chez moi ».

Dès lors, chaque année, pendant les vacances scolaires, que cela soit à Pâques ou en été, l’invitation tant attendue arrivait. Aucune n’aura jamais été refusée. Et même si depuis trois ans des études à l’étranger ne m’ont pas permis de retrouver ma si tendre amie et sa si belle vue, je sais que cette année, diplôme en poche, je serai de retour.

Sous le soleil caniculaire ou la pluie d’orage, lors de chaque lever ou coucher de soleil, je serai là, toujours admirative, à contempler ce lieu si cher à mon amie et si exceptionnel pour moi.

Claire F.

 

Cela va faire 3 ans - Evelyne

Cela va faire 3 ans que je n’ai pas revu la maison. Jusque-là, je n’en avais pas ressenti le besoin, ni même l’envie. Il fallait que, d’elle aussi, je fasse mon deuil. Trop de souvenirs, trop de moments heureux, de soleil, de rires et de cris. Le bazar qui régnait quand nous étions tous là, enfin installés chacun dans notre chambre après les traditionnelles négociations à l’arrivée. A qui aurait celle qui donnait sur le pré pour saluer les vaches de Pierre au réveil, celle qui donnait sur la piscine dans laquelle on pouvait ainsi plonger avant que tout le monde soit réveillé, celle qui était la plus proche de la cuisine pour les petites faims (ou soifs) nocturnes, où d’ailleurs plusieurs d’entre nous refaisaient le monde à 3h00 du matin…

Cette maison que nous partagions chaque année depuis nos vingt ans pendant les vacances d’été, c’était la vie. Elle appartient à ma famille mais, tous, quand chacun était rentré chez lui en attendant le prochain mois d’août, nous cherchions à l’embellir, à mettre notre empreinte dans les pièces ou le jardin. Au fur et à mesure, elle avait accueilli les compagnes et compagnons de notre petit groupe d’amis originel, puis les enfants. Certains d’entre nous s’étaient séparés de leur conjoint, étaient venus seuls puis de nouveau en couple… Pendant un mois, les enfants étaient un peu ceux de tout le monde. Dès notre arrivée, nous reprenions nos habitudes des années passées, chacun et chacune avait ses taches, assignées depuis la première fois selon les préférences. Si bien que quand Baptiste avait remplacé Aurélien auprès de Caroline, c’est à lui qu’étaient incombés les repas au barbecue…

La maison faisait partie de notre bande chaque été.

Puis Aurélie avait eu cet accident de voiture. Le choc si brutal avait causé un grave traumatisme crânien et elle était depuis dans le coma. Naturellement, sans vraiment nous concerter, aucun n’avait souhaité retourner dans la maison sans elle aux vacances suivantes. Nous attendions qu’elle se réveille.
L’année d’après, Aurélie n’était plus dans le coma mais toujours hospitalisée. Les médecins nous avaient annoncé qu’elle resterait dans cet état végétatif dans lequel nous la trouvions maintenant quand nous allions la voir, souvent chacun de son côté mais parfois ensemble, comme à son anniversaire.
Du coup, la maison n’avait encore pas été ouverte cet été-là.
Et les enfants s’étaient perdus de vue ; ils ne s’appelaient plus régulièrement dans l’année. Notre petit groupe central continuait à se voir mais de moins en moins souvent en couple ou avec les familles.

Lors d’une de nos visites ensemble à Aurélie, j’ai évoqué la maison, dans laquelle je n’étais plus retournée. C’était Pierre et Christine, les voisins, qui l’entretenaient, et qui venaient de me proposer de la racheter.
Mais pour prendre ma décision, j’avais besoin de mes amis.
Quand nous y passions nos vacances tous ensemble, j’y allais plusieurs fois dans l’année pour m’en occuper, la préparer à notre mois d’août. Stéphane faisait le jardin et moi l’intérieur. Pour nous seuls, sans la perspective de nos vacances entre amis, ce n’était plus possible. Nous nous y sentions mal tous les deux. Plus de vie dans cette maison.
Et il en était de même pour les autres, ainsi qu’ils me l’ont alors dit.

Aussi, j’ai accepté l’offre de mes voisins et y reviens avec Stéphane pour nettoyer et déménager ce que nous voulons récupérer.

Sur la route, nous ne parlons pratiquement pas. Nous appréhendons cette journée et savons tous les deux qu'elle va être difficile.

En ouvrant le petit portail et en pénétrant dans le jardin, nous ne parvenons pas à nous regarder, certains tous deux de craquer alors.
Partout où mes yeux se posent, un souvenir m'assaille et je sais qu'il en est de même pour lui : la piscine, la table et les fauteuils que nous sortions ou rentrions selon le temps qu'il faisait, chacun appartenant à l'un ou l'autre de nos amis et toujours utilisé par elle ou lui seul.e. Tant d'objets racontent notre amitié.
Au moment d'entrer dans le salon, que je redécouvre d'un rapide coup d'œil, je m'effondre et, envahie de peine, je dis à Stéphane : "Non, je n'ai vraiment pas le courage, je ne saurai pas revoir la chambre d'Aurélie. Si tu ne veux pas t'en occuper non plus, laissons tout cela. Ceux qui voudront garder quelque chose viendront eux-mêmes. Et sinon, on laisse tout à Pierre et Christine. Comme ils veulent la louer, ça les arrangera peut-être."
Et je ressors presque en courant, emplie de la douleur de ce qui n'est plus et ne pourra plus jamais être dans ce lieu, magique parce que nous l'occupions tous ensemble.
Je ne peux pas séparer la maison de nos souvenirs communs, la voir aussi brisée qu’Aurélie.

J’espère juste qu’elle revivra avec ses nouveaux habitants.

Evelyne F.

 

Les revoir ou pas - Jacqueline

Cela va faire trois ans que je n’ai pas revu la tombe de mes parents. Je ne pouvais pas, j’en étais viscéralement empêchée.

Si d’aventure l’idée m’effleurait ou si j’étais de passage dans la région, mon cerveau trouvait vite la parade, la bonne excuse. Du genre :
- Ils étaient peinards là bas à continuer à s’engueuler sans témoin sous terre, je n’allais pas m’en mêler !
- De toute façon je n’avais pas grand-chose de neuf à leur dire puisque je ne leur avais toujours pas pardonné
- Et d’ailleurs, ils n’étaient plus dans ce caveau construit comme un palais par le père, ils rendaient compte aux nuages maintenant
- Je leur avais écrit à chacun, quand leur heure était venue, une lettre d’adieu assez émouvante, qui avait fait pleurer les rares présents à la cérémonie, j’étais quitte !

Ça, c’est ce que je me racontais… j’aimais bien endosser le costume de la détachée, voire de l’odieuse, mais il coinçait pas mal aux entournures.

J’avais été une enfant si docile, même face à leur pacte de violence, que j’avais fait ma force de ma gentillesse, mon endurance et ma ténacité. Et la mort ne me faisait pas peur, ni la mienne souvent entrevue, ni la leur.

Alors quoi ? Parce qu’un arbre avait pris trop d’ampleur et menaçait de soulever la stèle de leur lieu de repos, il fallait que je vienne voir le spectacle et décider des mesures à prendre ? Parce qu’il semblait à l’entreprise funéraire et rémunérée qui entretenait « leur tombeau » la moindre des marques d’attention que je vienne voir les dégâts je devais refaire mon propre chemin de croix là-bas ? Et retrouver mes insomnies pendant des mois à remuer les étangs sombres de ma tête ?

Eh bien…
Oui, j’irai ! J’irai dire aux pompes funèbres et leur faire jurer et noter scrupuleusement que jamais je ne serai enterrée à leurs côtés ! Figurez-vous que le caveau, le père l’avait fait à 3 places, pour eux et à leurs côtés pour la première des deux filles qui viendrait à décéder ! Encore une idée tordue de plus du couple, qui m’angoissait car j’étais l’aînée. Idée que j’allais étrangler demain pour dénouer enfin ma gorge, voilà !

Ensuite je passerai devant leurs tombes pour venir parler à l’arbre. Lui dire combien il est téméraire de sa part de vouloir mettre les choses au grand jour et faire prendre l’air aux secrets de famille enfouis !

Jacqueline O.

 

Trois ans déjà - Véronique

Cela va faire trois ans que je n’ai pas revu son sourire bienveillant qui illuminait son visage et rayonnait alentour.

Tous ceux qui le côtoyaient, moi y compris bien sûr, nous apprécions cette chaleur, cette bonté offerte à ses proches.

Des colères, il y en eut, de nombreuses, mais toujours fugaces, remplacées très rapidement par une douce brise imprégnée de pardon.

Et tout rentrait dans l’ordre ; nous retrouvions ce sourire tant apprécié !

Petite, il était mon prince charmant, mon idole, mon confident, mon roc, ma montagne, mon port d’attache, mon Dieu…

Il m’écoutait, me conseillait, prenait part à mes jeux et partageait mes peines et mes joies.

Il savait être patient devant mes exubérances et me pardonnait toujours mes erreurs de jeunesse.

Ma mère observait avec bienveillance cette relation fusionnelle entre un père et sa fille. Mais les années passant, je dus me résoudre à m’éloigner d’eux malgré tout.

Les études m’emmenèrent loin du foyer familial que je ne retrouvais qu’aux grandes occasions, Noël et vacances d’été.

Couper le cordon avait été très douloureux pour moi et de les savoir malheureux en mon absence ajoutait de la peine à ma détresse.

J’étais leur fille unique !

Mon père avait beau faire le malin et fier au téléphone, je n’étais pas dupe et sentais bien dans le filet de sa voix, qu’il souffrait en silence pour ne rien faire paraître.

Puis à la fin de mes études, je dus finaliser mon cursus par un séjour de trois ans à l’étranger. J’étais tout à la fois enthousiaste de partir si loin mais réticente quant à l’idée de m’éloigner d’eux.

Lorsque je leur appris la nouvelle, mes phrases firent face à un silence pesant. Le choc était si fort qu’ils restaient sans voix…

Mais j’étais persuadée d’avoir pris la bonne décision après tout !

Ces trois années à l’étranger furent enrichissantes pour moi à tous points de vue. Je pus finaliser mes études et obtenir mon diplôme.

Je découvris un nouveau pays, une nouvelle culture, et, en prime, un compagnon qui me suivait pour mon retour en France.

Je lui avais longuement parlé de ma vie, mes parents, mon père si proche…

Il m’écoutait silencieusement et me souriait… Ah ce sourire ! Le même, bienveillant et sincère !

Je savourais pleinement ce bonheur de revivre des instants bénis du passé, mon père à mes côtés !

Confortablement installée le front contre le hublot de l’avion me ramenant à Paris, mes pensées vont vers mes parents qui m’attendent, impatients, à l’aéroport…

Ma mère m’a appris il y a quelques jours au téléphone que Papa a fait un AVC mais sans gravité d’après ses mots se voulant rassurants.

L’hôtesse nous annonce que nous allons entamer la descente vers Paris ; je me tourne vers mon compagnon et lui souris avec toute la bonté transmise par mon père.

Véronique C.

 

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