Cela faisait plusieurs semaines qu'elle était confinée, seule, dans son petit appart. Elle avait envie de lumière, de verdure, de soleil. Elle avait envie de mordre, de faire mal, d'être la vilaine que tout le monde craint mais qui se fout des règles. Elle avait envie de flinguer tout le monde. Elle avait envie de choper ce putain de virus et de le transmettre à tout le monde, d'être le vecteur de la fin du monde. Pour ce que les Hommes s'étaient bien débrouillés sur cette planète. Cette dernière irait beaucoup mieux sans eux.
Au lieu de ça, en bonne petite fille qu'elle était, qu'elle avait toujours été, elle se mit à écrire sur ses murs. Ses rêves, ses envies, ses révoltes... Petit à petit les murs se noircissaient. A la fin de la journée, épuisée, elle allait se coucher.
Un matin, au milieu de son écriture noire serrée, stressée elle découvrit une ligne rouge sang. Cela la figea sur place. Comment était-ce possible ? Qui avait accès à ce lieu intime. Elle qui aurait tant voulu de la compagnie, redoutait désormais l'intrusion dans son domaine.
Tout d'abord, elle alla chercher des couteaux de cuisine, les gros, bien aiguisés. Ceux dont elle n'aimait pas se servir, tant elle craignait d'y laisser un doigt en coupant les rôtis.
Puis, elle se prépara une grande tasse de thé brûlant et s'assit sur le canapé en face de son mur.
Elle touilla son thé qui n'avait pas de sucre et enfin, se décida à lever les yeux pour déchiffrer ces mots qui hurlaient sur le mur. Ses yeux firent d'abord le tour des phrases qu'elle avait écrit tous ces jours de confinement :
"Je me sens abandonnée" "personne ne me regrettera" "si je pouvais, je descendrais dans la rue et je tirerais sur tout le monde" "la vie vaut-elle d'être vécue lorsque tu n'as que 4 murs pour rêver ?" "j'ai jamais demandé à vivre moi !"
Toutes les autres phrases étaient à l'avenant... Elle avait envie de pleurer, le cœur au bord des lèvres.
Pourtant, la guerrière qui n'était pas encore tout à fait morte en elle releva la tête.
Elle fixa cette ligne rouge qui lui semblait comme une coupure sur son poignet.
Elle lit...
"LE PRINTEMPS EST LA"
Incrédule, elle réalisa qu'elle avait retenu sa respiration et insuffla un grand bol d'air. Vraiment ? C'est ce qui était écrit ?
"LE PRINTEMPS EST LA"
Alors, en elle, comme si ce printemps faisait germer des petites pensées douces comme ces fleurs qui percent le sol encore presque gelé pour signaler que tout se réveillait, la phrase fit écho en elle.
"LE PRINTEMPS EST LA"
Elle se leva, ouvrit sa fenêtre. Les rues étaient toujours aussi vides, mais les arbres avait des allures de tulle, les branches se couvraient d'un brouillard vert tendre. En regardant au pied des arbres, des fleurs faisaient leur apparition.
"LE PRINTEMPS EST LA"
Les oiseaux gazouillaient tendrement. Un chat qui passait dans la rue s'arrêta et lui jeta un regard couleur doré, comme pour lui dire "alors, qu'est-ce que tu attends pour célébrer la renaissance de la vie ?"
"LE PRINTEMPS EST LA"
Alors, se rompit en elle un barrage qui l'avait enfermée dans une tour couleur ténèbres. Elle réalisa qu'elle avait été très prêt de sombrer dans la folie. Elle pleura beaucoup, elle rit aussi, de façon hystérique. Elle relit ce qu'elle avait écrit sur ses murs et frissonna.
Puis elle sortit ses toiles, ses pinceaux et commença des tableaux de fleurs, de parcs, d'enfants qui jouent.
Elle mit son téléphone en charge pour appeler ses amis. Elle constata qu'elle avait des dizaines de messages desdits amis.
Elle décida de faire des crêpes, LA panacée à tous les maux.
"LE PRINTEMPS EST LA"
Elle se mit en demeure de nettoyer ses murs, ne laissant que la phrase en rouge.
"LE PRINTEMPS EST LA"
Ca y est, elle pouvait enfin vivre, même dans ce petit espace, même entre ces quatre murs. Plus rien ne lui faisait peur
LE PRINTEMPS ETAIT ENFIN LA !
Marylo