Déclaration d'amour forcé par la solitude
Mariage arrangé en dépit d'un mariage d'amour, La voici séquestrée à son tour. Vaquant à des habitudes nouvelles, Elle achève la même pensée de moins en moins belle. Jeune fille effacée, oubliée, emprisonnée, Elle en vient à adorer et maudire sa maisonnée.
Se forçant à mêler sa passion à la patience, L'infortunée sent dans sa bouche un goût rance, Celui d'un si singulier remord : Vivre jusqu'à l'amour, aimer jusqu'à la mort, Et se résoudre à l'incertaine attente celle de ne pouvoir revoir l'homme parmi cinquante, L'unique qui fit battre son cœur de demoiselle. Pourquoi dans le temps mettre tant de zèle ?
En son ménage intérieur et solitaire, Doit-elle crier, s'enfuir ou se taire ? Risque-t-elle tant que cela d'être mise à l'amende Pour avoir rejoint celui qui la demande ?
Pourtant, dehors, persiste perfidement un mal. Il traîne, il rode, il frappe d'une façon peu banale ; Ses attaques en sont parfois bien funèbres Et ses douleurs sont celles décrites dans les ténèbres.
Ma mie, ma chère, mon adorée ! Pourquoi, dehors, vouloir le Diable tenter ? Aime-moi ! Je suis ta si douce Solitude, Celle qui te garantira la plénitude D'une vie douce, longue et sereine. Dans la vieillesse plus tard, tu seras ma reine, Celle qui prit le temps d'attendre et de vivre. Dors, bois, mange, prends ce livre ! Et n'oublie jamais ce moment si long Car il te paraîtra sans doute en comparaison Bien court par rapport aux temps de notre futur, Celui où tu me diras : « De mon balcon sans froidure, Je t'ai aimée, Solitude ; je t'ai bénie. Aujourd'hui, après tant d'années, j'ai vieilli. »
La belle fut bien armée de cet adage. L'apprenante, maintenant forte de son jeune âge, S'endormit, rêvant des temps à venir, Ceux d'une liberté reconquise, d'un principe à tenir.
De nos jours, souriant à sa Solitude éphémère, Acceptant une existence passagère et austère, Elle sait que si la patience a une saveur amère, Dehors se remplissent les civières, et les cimetières.
JYLO
Le 20 mars 2020 (4e jour de confinement)