Le courage au féminin
Deuxième partie
TÉMOIGNAGES / TRANCHES DE VIE
Dialogues sous forme de discussion.
Eric :
Je m’appelle Valentine et j’ai 16 ans
Un grand frère, des parents qui m’aiment, m’apportent et me donnent beaucoup
Mon grand frère vient tout juste de quitter la maison, il vient de trouver un travail et un appartement
Je me retrouve seule avec mes parents
Ma vie de petite sœur au quotidien est derrière moi
Mon corps de femme qui grandit ne me dit rien ou pas grand-chose
Pire depuis quelques temps ça me fait tout bizarre de me dire que je vais devenir une femme
Avec tout ce que ça comporte, avec des règles tous les mois avec des seins avec cette féminité que je ne trouve pas au fond de moi
Et si mon corps voulait me dire qu’il n’était pas tout à fait celui dans lequel j’ai vécu jusqu’ici ?
Et si mon corps ne souhaitait pas cette féminité que mon sexe à la naissance m’a attribuée ?
Et si mon corps voulait me dévoiler sa touche sensible de masculinité ?
Et si mon corps de femme devenait celui de l’homme que je souhaite en moi enfin rencontrer ?
Comment vais-je m’y prendre pour me le dire ?
Comment vais-je m’y prendre pour le leur dire ?
Comment vais-je leur dire que moi désormais
Je veux être Stéphane.
Je suis comme je suis / J. Prévert (Sandrine, Fabienne, Régine et Joëlle) :
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Quand j’ai envie de rire
Oui je ris aux éclats
J’aime celui qui m’aime
Est-ce ma faute à moi
Si ce n’est pas le même
Que j’aime chaque fois
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Que voulez-vous de plus
Que voulez-vous de moi
Je suis faite pour plaire
Et n’y puis rien changer
Mes talons sont trop hauts
Ma taille trop cambrée
Mes seins beaucoup trop durs
Et mes yeux trop cernés
Et puis après
Qu’est-ce que ça peut vous faire
Je suis comme je suis
Je plais à qui je plais
Qu’est-ce que ça peut vous faire
Ce qui m’est arrivé
Oui j’ai aimé quelqu’un
Oui quelqu’un m’a aimée
Comme les enfants qui s’aiment
Simplement savent aimer
Aimer aimer...
Pourquoi me questionner
Je suis là pour vous plaire
Et n’y puis rien changer.
Colette et Chantal :
Me voici au soir de ma vie. Je n'ai pas encore trente ans, Bilan : mes 3 enfants sont loin et ne se soucient guère de moi. il fait beau, les oiseaux chantent, Mes petits-enfants: je les connais à peine;Le printemps est là ! Je me sens légère, il paraît que j’ ai 8 arrière petits -enfants. j'ai envie de courir pieds nus dans l'herbe, de danser, de tournoyer ;Et pourtant je m’ accroche à cette existence qui ne m’ a pas fait de cadeau. Mais le devoir m'appelle. Je DOIS aller laver le linge de toute la maisonnée Je prends soin de ma santé, je reste curieuse de ce qui se passe dans notre monde. Au lavoir, user mes jolies mains, frotter et frotter encore des heures durant : Obligée car qui le fera à ma place, personne !La solitude est mon lot quotidien; autonome, malgré mon grand âge - l’air admiratif que prennent les gens quand ils le découvrent , m’agace profondément. Vraiment, ils ne se rendent pas compte, et cette surdité ! J'accepte donc mais je le ferai en rêvant Je ne connais rien de plus frustrant; parfois j’en prends mon parti, j’en ai tellement assez de faire répéter, d’être exclue du fleuve de la vie…En rêvant à une autre vie, une vie de princesse car « Un jour mon prince viendra ».
Régine :
Je ne peux pas. Ce n’est pas possible. Je n’en veux pas.
Je ne peux pas le garder.
Je ne veux pas !
Accoucher sous X.
Abandonner son enfant : on ne fait pas ça !
La contraception, ça existe. On prend ses précautions, et puis, maintenant, il y a l’IVG...On prend ses responsabilités !
Oui, je sais, on m’a dit et redit tout ça cent fois.
Mais ce petit, je ne voulais pas le supprimer, je ne supportais pas l’idée de le tuer.
Seulement, je n’en veux pas, je ne peux pas le garder : je suis seule, je n’ai pas les moyens, je suis trop jeune, je veux vivre, être libre.
Il sera adopté. Il y a tant de couples qui ne peuvent pas avoir d’enfant.
Il sera choisi, choyé, il aura toutes ses chances dans la vie.
Je vais bientôt accoucher. J’ai peur...
Oui, je vais accoucher sous X. Je l’ai décidé, et je l’ai déclaré, officiellement.
Il y a une femme qui est venue me voir, une sorte d’assistante sociale, ou de juge, qui s’occupe de ça. Elle comprend, elle est bien la seule. Elle ne me juge pas. Elle va m’aider.
Fabienne (slam sur la chanson de Jacques Dutronc) :
Fais-pas-ci ! Fais-pas-ça !
Tu devrais.
Tu dois.
C’est pas pour toi.
Mais enfin te rends-tu compte ?
Tu n’y penses pas !
Certainement pas.
Tu finiras sous les ponts ma fille !
Je ferais ci, je ferais ça !
Je dois le faire.
Je le ferai.
C’est pour moi, c’est ma vie.
Je me rends compte,
Oui ! Oui ! Oui ! Mille fois oui !
Je finirais sur la paille, au milieu de mes chèvres, c’est décidé ! C’est décidé !
Michelle :
J’ai mal au dos... Vite, réveiller les enfants, préparer le petit-déjeuner.
Qu’est-ce que je vais leur faire à manger ce soir ?
Mon Dieu ! Le frigo est vide, et on a à peine dépassé le 20 du mois.
En rentrant, ce soir, j’achèterai un peu de râpé. Je leur ferai un gratin de pâtes, une fois de plus.
Vite, je vais rater mon bus, et je vais encore me faire me faire attraper.
Allez, les enfants, dépêchez-vous ! Pas question d’être en retard à l’école.
Tout le monde a lavé ses dents ?
Et fermez bien la porte en partant.
Je vous fais confiance, hein? À ce soir !
Vite, vite, mon bus ! Est-ce qu'il va m'attendre ?
Fabienne (reprise slam) :
Je ferais ci, je ferais ça !
Je dois le faire.
Je le ferai.
C’est pour moi, c’est ma vie...
Françoise :
Encore une journée à tirer !
Programme sans histoire : promenade , atelier, réfectoire et peut être …visites !! la routine quoi , comme celle –qui fait rire les autres- de faire quelques mouvements ,histoire de me garder en forme.
On n’a pas beaucoup de place mais il faut faire avec. Prisons surpeuplées dit-on , j’en sais quelque chose et c’est pour trois ans.
Trois ans …..il en aura cinq mon petit bonhomme quand je sortirai d’ici.
Il ira à l’école et il aura sûrement plein de choses à me raconter, enfin peut être.
C’est pour lui que je veux rester en forme, jolie à regarder, pas avachie comme certaines.
Quand il arrive au parloir son « MAMAN »éclate comme un soleil et ça, ça me donne tous les courages, même celui de m’être inscrite aux cours pour qu’il soit fier de sa mère.
Je veux rester belle et pourquoi pas m’instruire, pour moi, pour lui surtout.
Eric :
J’aimais cet homme, plus que tout et je m’étais amoureusement donnée à lui.
J’aimais sa douceur, j’aimais son odeur, j’aimais ses caresses, j’aimais le regard qu’il portait sur moi j’aimais sa voix, j’aimais son accent italien.
J’aimais son grand cœur, j’aimais sa tendresse, j’aimais son charme d’Italien.
J’aimais sa douceur, j’aimais sa patience, j’aimais son accent transalpin.
Virgile et Dante dans ma vie m’offraient cette divine poésie que la dureté de ce monde m’avait ôtée.
Et puis la guerre et ses horreurs, guerre des cœurs horreur des morts, guerre des passions
Horreur du corps molesté, mutilé, ravagé, emprisonné, détruit.
Le mien de corps me fut volé
Il dû se plier aux mœurs de son époque, dû s’incliner face aux us et coutumes de la famille.
« Point d’Italien dans ton ménage, est-ce bien clair ? »
C’était acté et mon cœur dû capituler
Mes dés étaient jetés par la morale et sa raison
Alea jacta est
Mon histoire se traçait et l’homme de ma vie en sortait.
Cet amour de jeunesse mon amour de toujours, quittait mes rêves.
Pour bâtir mon foyer, pour fonder ma propre famille j’en épousais un autre, avec moins de passions, moins d’étoiles dans les yeux, moins de désirs moins d’illusions.
Et sa mort une dizaine d’années après notre mariage me laissait seule avec mes deux filles adorées
Me laissait indifférente à la dureté soudaine de mon avenir incertain.
Me laissait libre de réentendre et ressentir mon cœur cogner
Me laissait vivre mon amour
Me laissait
Me laissait…
[2e Pause musicale : L'Aigle noir]
Le courage au féminin : Troisième partie
Restitution de l'atelier d'écriture : "Le Courage au féminin".