En ces temps de confinement, je n'ai jamais autant admiré la nature environnante, profité du changement formidable de cette saison qu'est le printemps, où tout reprend vie.
En ces temps de confinement, prendre le temps,
Ouvrir grands ses yeux...
Jamais autant admiré les cerisiers en fleurs du jardin commun de la résidence véritable feu d'artifice de blancheur,
Admirer ce parterre foisonnant de blanc et de jaune, de pâquerettes et de pissenlits par milliers,
Ah ! les pissenlits et leur étonnante métamorphose : tout d'abord apparaissent leurs fines feuilles d'un vert foncé, dentelées, tendres, au goût amer, puis leurs fleurs d'un jaune éclatant de soleil, et pour finir, en équilibre, tout en haut de leurs tiges, se déploient tout en rondeur duveteuse, en légèreté et en élégance, reines des neiges : leurs blanches aigrettes (que les enfants aiment tant), pour qu’enfin je puisse m’émerveiller de les voir prendre leur envol au gré du vent, comme des milliers de flocons de neige.
Observer chaque jour les feuilles des arbres qui se déplient petit à petit, sans précipitation, les unes après les autres, suivre leurs rythmes différents : à chaque arbre son rythme.
Prendre le temps,
Admirer les bois qui semblaient morts, des framboisiers, des groseilliers et des cassissiers, revenir à la vie, reverdir timidement puis prendre de l'ampleur encore et encore, les voir fleurir : à chacun son tempo.
Surveiller les petits boutons des rosiers dans leurs éclosions et veiller aux pucerons : Verrais-je s'ouvrir un bouton de rose avant le grand déconfinement ?
Quelle couleur aura-t-elle ?
S'étonner de la vaillance de nos petits pieds de fraisiers repiqués la première semaine de confinement, les voir résister, s'épanouir … et que dire de l'émotion de la première fleur ouverte ? De la première abeille qui s'y est posée ?
A chaque jour son évènement.
Ouvrir grands ses oreilles...
Au fil du temps du confinement, loin des bruits habituels de la ville, l'oreille s'aiguise :
Elle réapprend le silence, l’apprécie, s’en gave, sensation oubliée.
De la partition, elle entend maintenant tous les instruments, elle prend le temps.
Écouter (et non entendre), les oiseaux du jardin et du bois environnant, apprendre à reconnaître leurs chants, les voir aller et venir, finir de préparer les nids, eux savent prévoir l'avenir, anticiper pour mettre leur famille à l'abri.
S'étonner de la cacophonie incessante des grenouilles qui chantent l'amour à leur façon.
Tout ce petit monde devenu presque inaudible et invisible à force d'hyperactivités se découvre à mes yeux, essentiel à ma vie.
Immobiles, sur notre balcon, ou près d’un parterre de pâquerettes et de pissenlits, je goûte le silence, et dans ce temps suspendu je réfléchis...
Dire que la machine s’est emballée par la faute d’un tout petit virus de rien du tout : 0,002 micron.
Justement, n'est-il pas temps d’envisager les choses autrement ?
Je veux voir mes enfants s’épanouir, je veux voir mes petits-enfants s’émerveiller d’un champ de coquelicots, souffler sur les fleurs de pissenlits, se nourrir de légumes qui auront poussé dans une terre vivante sans pesticides, respirer un air pur, pêcher dans les rivières poissonneuses non polluées, grandir dans un monde où les hommes auront compris que la terre et l’humain ne font qu’un, qu’en détruisant l’un on détruit l’autre.
Fabienne
de Ste Geneviève des Bois