Nous avons à cœur de garder le lien avec vous : en cette période si particulière, envoyez-nous les contes que vous avez imaginé sur l’adresse mail Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.. Ils seront publiés dans cette rubrique.

 

Découvrez ceux créés par l’atelier d’écriture de la médiathèque de Leuville :

Il était une fois - Christine

Il était une fois une femme qui tirait une corde au bout de laquelle se trouvait la chose la plus précieuse à ses yeux... mais quoi ? Lauriane ne la voyait pas. La femme était arc-boutée sur cette corde prête à trouer son vieux châle accroché sur ses épaules frêles. Son visage était peu visible, dissimulé sous un bonnet blanc-gris. Il ne laissait entrevoir qu’un long nez pointu. Le menton en avant, elle regardait droit devant elle en direction de la côte des campagnols. Au sommet, il y avait un arbre gigantesque, prêt à effleurer le ciel, tout bleu aujourd’hui.

Planquée derrière sa haie et toujours à l’affut, Lauriane se suréleva sur ses avants-bras, une touffe de sa chevelure toute blonde se prit dans les branches basses du noisetier. Elle émit un couinement faible, similaire à celui d’une petite souris. Elle essayait tant bien que mal, sans bruit, de s’en libérer, mais une crampe non désirée s’invita et la déséquilibra. Elle s’affala de tout son poids, tête la première vers le sol. Elle poussa cette fois-ci un cri de douleur car sa mèche resta accrochée dans l’arbuste. Il n’en fallut pas plus pour que la femme s’arrête et ne se retourne dans sa direction. Elle perdit quelques secondes à observer autour d’elle mais ne constatant rien d’inquiétant reprit sa marche. Lauriane osait à peine respirer. La tentation de la suivre était grande mais comment faire ? Tout en réfléchissant, ses doigts frottaient inconsciemment la partie douloureuse de son crâne. La femme s’éloignait. Le constat était sans équivoque. Elle était en train d’atteindre l’ultime étape : monter la côte.

Elle s’arrêta brusquement, sortit un mouchoir, s’essuya le front et étrangement fit demi-tour ; mais pas plus loin que l’extrémité de la corde. Elle regarda à l’intérieur d’une espèce de toile de jute, là où était la chose. Ses petits yeux futés virevoltaient sur eux-mêmes à 360° comme si, ce sac qu’elle traînait, elle risquait de le perdre à jamais. Lauriane s’élança malgré tout. Elle s’était camouflée dans son manteau magique, couleur nature. Plus rien ne la retenait. Plus que cent mètres et la femme atteindrait son objectif. Non, non, non ! Lauriane voulait savoir. La curiosité est un vilain défaut, elle avait étudié cette citation en classe mais qu’importe, elle se sentait comme possédée. Qu’y avait-il là-haut près de ce majestueux feuillu ? La femme avait disparu de son champ de vision. Lauriane se mit à ramper et mètre après mètre finit par y accéder, à ce point culminant. Ses deux pupilles sortirent aussitôt de leurs orbites. La femme de dos finissait minutieusement de ranger. Tout était ordonné, classé, numéroté. Lauriane était sidérée. Des dents, des dents par milliers. Au même instant la femme se retourna, c’était Madame la petite souris qui se mit à lui sourire : « Bravo Lauriane, tu m’as trouvée mais chut ne le dis pas aux petits enfants ! Je ne pourrai plus sinon leur faire de cadeaux ! » Lauriane se précipita dans ses bras, l’embrassa, la remercia chaleureusement. Tant d’efforts pour un euro ou un paquet de bonbons ! Vous êtes la meilleure, Dame Souris !

Christine

 

Au bout de la ficelle - Jacqueline

Il était une fois un homme (une femme) qui tirait derrière lui (elle) une corde au bout de laquelle se trouvait la chose la plus précieuse à ses yeux. C’était aussi la chose qu’il (elle) risquait le plus de perdre...

AU BOUT DE LA FICELLE...

L’homme qui avance sur les chemins est brisé. A quoi je le vois ? A ses pas, qui se posent au sol comme un robot, lourds et mécaniques. A ses yeux, qui regardent devant lui sans rien voir. A son air, si las qu’on baisse aussitôt le regard quand on le croise. C’est le regard de celui qui a connu tous les malheurs et les a longtemps endurés. J’ai pensé que consoler un tel regard était mission impossible, car il était tourné vers l’intérieur déserté de son âme. Son regard n’attendait plus rien.

Comme aimantée, j’ai mis cependant mes pas dans les siens. À distance je l’ai suivi, pour savoir où il allait, avec cette ficelle qu’il tirait derrière lui. Et au bout de la ficelle, ce simple baluchon de jute reprisé, posé bien sanglé sur une planche à roulettes. A la façon précautionneuse dont il promenait son étrange attelage, on devinait que c’était son trésor.

En fin d’après-midi il s’est assis au soleil couchant sous un grand chêne, qui a ouvert imperceptiblement ses branches basses en cerceau, comme pour le prendre dans ses bras, comme pris de pitié.

Il a mâchonné un crouton de pain et une pomme, sortis de ses poches. Cette nourriture frugale n’avait pas pour but de remplumer sa maigre carcasse, non, juste de la faire tenir plus loin, ai-je pensé. Il s’est levé, pour laper comme un chat l’eau de la petite rivière en contrebas et est revenu s’adosser au tronc de l’arbre. Au bout d’un long moment, il a ramené doucement le baluchon à lui et l’a entrouvert.

Je m’étais assise un peu plus loin sur un rocher gris poli. Il savait depuis le début que je le suivais, il ne m’a pas regardée, mais j’ai eu l’impression d’être tolérée.

Il a retiré une première sphère lumineuse de son sac, comme une boule de Noël transparente, l’a élevée à la hauteur de ses yeux brulés de soleil et l’a fixée longtemps. Puis je l’ai entendu murmurer :

- « Bonjour grand-mère Teckla, d’une voix rocailleuse. Merci de m’avoir ouvert ton armoire et tes placards à surprises quand j’étais enfant, pour que j’y découvre l’insolite et le merveilleux. Merci d’avoir pris ma tête entre tes seins blancs et doux pour mes peines inconsolables. Merci pour tes tablées de piroshkis et ponchkis que tu avais cuisinés quand mes parents m’amenaient à toi le samedi, de temps en temps. Merci pour tes mots ukrainiens dont tu me berçais et que je comprenais sans savoir ta langue. Ma mère ne m’aimait pas. Elle me répétait souvent que je n’étais pas désiré. Ma naissance avait signé, selon elle, la fin de sa vie et toute espérance. Mon père me battait avec rage juste pour me punir d’être là. Mais toi… tu étais mon phare dans la nuit, ma force, ma ressource. »

Je crus voir l’ombre d’un sourire sur ses lèvres. Il reposa l’objet dans le fond du sac et en retira une autre boule irisée qui sembla l’hypnotiser, puis il reprit son monologue :

- « Bonjour Iguaçu. Je ne me suis jamais senti aussi en harmonie avec la nature que sur la très longue passerelle de bois mouvante qui menait au creux de tes chutes d’eau brésiliennes. Je marchais, avec des papillons géants magnifiques qui se posaient sur mes épaules. J’étais escorté de petites bêtes poilues, des coatis, qui m’avaient emboité le pas dès que je m’étais avancé sur la passerelle, vers l’épicentre de tes chutes. Là où toutes les eaux venues en galopant des quatre coins du pays se déversaient en un tumulte si retentissant qu’il me tambourinait le cœur. Je suis resté longtemps penché sur leur point de rencontre 100 mètres plus bas, empli de la folie merveilleuse de tes eaux fougueuses, de ta voix de tonnerre si profonde. J’ai participé de toutes mes fibres à l’allégresse ambiante. J’ai même compris le désir irrésistible des gens perdus qui sautaient parfois, en transe, dans le vide de tes chutes. »

Il a reposé la deuxième bulle dans la besace d’où il a retiré une dernière sphère bleutée. Il l’a regardée plus longtemps dans un silence recueilli.

- « Bonjour Geneviève chérie et bonjour mon tendre petit Tom. Merci d’avoir fait un doux chemin de vie avec moi, si intense, si parfait. Nous avons partagé tant d’amour jusqu’à l’incendie de notre petite maison dans les bois, alors que j’étais parti un mois, plein d’espoir au loin sur un bateau, gagner plus pour notre vie. Votre disparation a tout brulé en moi aussi à jamais.

Il s’est tu, puis a pivoté légèrement vers moi, et sa voix s’est affermie :

- Mais, j’ai repris la route un jour grâce à vous. Votre contemplation met mon sang en ébullition, telle une coulée de lave crépitante qui m’anime et me remet en mouvement. J’ai donc décidé de vous emmener en voyage avec moi, là où nous aurions pu aller ensemble, plus loin, juste beaucoup plus loin. Déjà ma mémoire perd de grands pans. Les docteurs disent que bientôt elle sera perdue à jamais. Alors, je veux vous promener et vous bercer jusqu’à la fin, VOUS, qui vous accrochez encore et auxquels je me raccroche éperdument, VOUS, ma raison de survie, VOUS, MES PLUS BEAUX SOUVENIRS. »

Jacqueline.

 

Conte de Théodor - Jocelyne

- Chuuut. Allez les enfants, on s’assoit, on se calme, et on écoute l’histoire.

Il était une fois … Théodor.

- Maitresse, c’est qui Théodor ? C’est un prince ?

- Non Lisa. Personne ne connait Théodor, et pourtant il aime beaucoup les enfants et c’est grâce à lui que vous avez des cadeaux tous les ans.

- Bah c’est le Père Noël alors.

- Non Maxime, ce n’est pas le Père Noël non plus. Si vous me laissez raconter mon histoire, vous saurez qui il est.

Je disais donc : « Il était une fois... Théodor.

Théodor avait trois filles : Annelor, Eleanor et Flor. Ce qu’il aimait le plus chez ses filles, c’était les étoiles qui brillaient dans leurs yeux quand elles découvraient les cadeaux au pied du sapin de Noël. Théodor était facteur, un « simple facteur » comme il aimait le dire humblement. Pourtant il était le facteur le plus important au monde car c’est lui qui distribuait son courrier au Père Noël. Tous les ans, il se rendait au Royaume des Neiges où celui-ci habite. Il savait que sa mission était des plus importantes car son lourd sac contenait tous les rêves des enfants. Mais cette année-là, il avait très peur que ses filles ni aucun enfant ne puissent avoir de cadeaux...

Pour se rendre chez le vieil homme, il devait traverser la Forêt Maléfique où vivait la méchante reine Eglantine. Eglantine était une fée des ténèbres. Elle n’aimait personne. Elle vivait dans un palais de glace noire et avait des ongles longs et pointus comme des épines de rosiers. Une petite gifle de sa part vous striait le visage de cinq profondes balafres.

La veille de sa mission, Théodor avait lu un tweet d’Eglantine qui disait : « Ma source d’eau fraiche est tarie ; cette année, je m’abreuverai des larmes des enfants. » Théodor avait aussitôt senti le danger : la reine Eglantine comptait voler le courrier du Père Noël et ainsi empêcher la distribution des lettres des enfants. Il était plutôt gringalet et s’il avait fait un peu de judo quand il était jeune, il ne se sentait pas assez fort pour combattre les mauvais sorts de cette dernière. Pourtant, il n’avait pas le choix, il devait y aller et il protègerait le sac de courrier de son frêle corps s’il le fallait !

Le 23 décembre au tout petit matin, il chaussa ses après-ski et mis ses gants molletonnés. Puis il enfila sa parka jaune offerte par la poste. Il attrapa des deux mains la corde qui lui permettrait de tirer le gros sac de courrier et la passa par-dessus son épaule.

Sur le chemin, Théodor était sur ses gardes. Il essayait d’avancer aussi vite que possible. Plus vite il irait, plus vite il arriverait. Mais le chemin était caillouteux et le sac vraiment très lourd. Il pensait à tous ces enfants qui avaient écrit au Père Noël, à tous ces espoirs que contenaient les lettres, certaines avec un joli dessin en plus, et à tous ces regards émerveillés le 25 au matin. Jamais il ne laisserait Eglantine s’emparer de son précieux butin !

Il en était là dans ses réflexions quand il entendit craquer une branche. Il se mit aussitôt en position de combat. Un regard à droite, un regard à gauche, il ne vit rien. Il reprit la route quand un nouveau craquement se fit entendre. Une étrange vapeur noire s’avançait sur le chemin. La reine des ténèbres lui succéda, barrant la route à Théodor. Il en frissonna de terreur. Puis il écarta les bras pour protéger le sac qui dépassait largement derrière lui.

- Hé bien Théodor, est-ce ainsi que tu me salues ? Qu’as-tu donc dans ce sac pour le protéger ainsi ?

- Rien qui ne te concerne, répondit-il.

- Moi je crois que si, au contraire, et je te conseille de me le donner de suite si tu ne veux pas finir en lamelles, dit-elle en agitant ses ongles effilés devant son visage.

- Tu ne me fais pas peur ! dit-il en tremblant malgré lui.

Théodor tenta une première prise de judo pour repousser les bras de la vilaine, mais il réussit seulement à se couper un doigt. Une toute petite coupure, mais fine et profonde comme quand on se coupe avec une feuille de papier.

- Est-ce là tout ce que tu sais faire Théodor ? rit la fée des ténèbres.

Mais son rire se figea net quand elle reçut une brique sur la tête. Les trois petits cochons sortaient d’un fourré avec une provision de briques de la maison de Naf-Naf. Passée la surprise, Eglantine éclata de rire de plus belle :

- Est-ce la cavalerie, Théodor ? Trois petits cochons ? C’est tout ce que tu as pour t’aider ? Il me prend soudain des envies de lard grillé, persifla-t-elle en faisant jaillir une flamme au creux de ses mains.

Les porcelets, terrifiés, disparurent aussitôt. Eglantine commença à tourner autour de Théodor, l’encerclant d’un tourbillon de vapeur noire. Celui-ci continuait à protéger le gros sac de son frêle corps.

- Pousse-toi, te dis-je !

- Jamais ! répondit Théodor courageusement.

- Puisqu’il en est ainsi… dit la fée.

Elle pointait un doigt menaçant vers lui quand son geste fut interrompu par le bruissement de tous les fourrés environnants. Batman jaillit soudain. Il entama un combat de karaté avec elle, évitant à chaque fois ses ongles tranchants comme des lames. Puis Harry Potter surgit. Il cria « Impedimenta », sort qui fit trébucher la reine. Spiderman, qui venait de se joindre à eux, lança ses toiles d’araignée et l’entortilla dedans. Au même moment Hulk, qui sortit de nulle part, en profita pour l’assommer. C’est à ce moment qu’Elastigirl empoigna deux arbres, tandis que Monsieur Indestructible se servit des bras extensibles de sa femme comme d’un lance-pierre pour projeter la vilaine Eglantine dans l’espace.

Tout redevint calme et chacun se congratulait en s’enlaçant. Théodor, toujours adossé à son sac, avait la bouche grande ouverte. Il n’en revenait toujours pas de ce qu’il venait de vivre.

- Hé bien, Théodor, remets-toi de tes émotions, dit Batman en lui mettant une tape amicale sur l’épaule qui bouscula le pauvre facteur.

- Mais… mais… que faites-vous là ? Comment avez-vous su ?

- Dis-donc, l’ami, crois-tu qu’on n’est pas assez modernes pour avoir un compte Twitter, Facebook, Instagram et tout le tintouin ? On a bien vu ce qui se tramait.

Après de longues embrassades amicales, Théodor avait repris sa route. Le sac était toujours aussi lourd, pourtant il se sentait tout léger. Grimpé sur les épaules de Hulk, il n’avait plus aucun effort à faire. Après quelques kilomètres, Hulk le déposa peu avant la maison du Père Noël. Livrer le courrier était la mission du facteur et il ne voulait pas l’en priver.

Théodor reprit la lourde corde en main et tira à nouveau son sac. Tout à coup, une silhouette noire et masquée s’interposa et le fit sursauter.

- Je viens te protéger de la reine des Ténèbres, dit-il.

- Qui es-tu ?! s’étonna le facteur.

- Je suis ton père, dit la voix caverneuse derrière le masque.

- Hein, quoi ???

- Bon, Dark Vador, quoi. Je suis Dark Vador.

Il sortit son sabre laser qu’il fit vibrer.

- Star Wars, la Guerre des Etoiles… toc toc, tu connais ou pas ?

Théodor hésitait...

- Dark Vador n’est-il pas un … méchant ?

- Et voilà, ça recommence, pleurnicha Dark Vador. J’ai changé : j’ai un fils moi aussi et je veux réparer mes erreurs passées.

- Ok ok ok Dark. Mais tu arrives trop tard. Le combat est fini.

Et devant l’attitude déconfite de son coéquipier, il rajouta :

- Allez, viens prendre un chocolat chaud chez le Père Noël avec moi.

Deux heures plus tard, le facteur était de retour chez lui, la tête fièrement relevée de la mission bien accomplie. Et puis il était heureux d’avoir rencontré de nouveaux amis.

Par la porte entrebâillée, il vérifia que ses filles dormaient toujours. Tout allait au mieux et c’est un beau Noël qui se préparait encore cette année.

- Maitresse, mais la méchante, elle va encore revenir ?

- Quant à Eglantine la Maléfique, on ne la revit plus jamais. On dit qu’elle aurait atterri sur la lune. Et que quand la lune est noire, c’est qu’Eglantine a le cafard, quand la lune est rousse, c’est qu’elle est rouge de colère. A moins que ce ne soit de honte.

Jocelyne

 

Le présipote et les livres - Lilas

Basile, jeune garçon de dix ans, tire derrière lui un caddie rempli de livres.

Depuis deux années, il est interdit de vendre ou d’acheter des livres, considérés comme « non essentiels ».

Et hier, une loi a été votée, modifiant de fond en comble les programmes scolaires, et applicable de suite. Plus d’apprentissage de l’écriture et de la lecture, jugés subversifs. Sont aussi supprimés la musique et les arts plastiques, pour la même raison. En revanche, de nouvelles matières apparaissent comme « Civisme et obéissance », « Economie encadrée », « Ressources humaines par castes » etc…

Le premier décret d’application est tombé comme un couperet : tous les livres existants doivent être rapportés dans les mairies, où ils seront détruits. Les drones signaleront les déplacements suspects visant à soustraire des ouvrages à la destruction. Des perquisitions auront lieu, et les citoyens sont invités à la dénonciation, qui sera alors récompensée.

Basile a immédiatement entassé ses livres et ceux de ses parents dans le chariot qui sert habituellement à faire les courses. Manquant de place, il a aussi rempli un grand sac à dos. Et dans sa main libre, un cabas avec son violon, l’harmonica de son père, et toute une réserve de papier et de crayons, anticipant le prochain décrèt probable. Il a mis de côté les livres les moins intéressants pour avoir quelque chose à apporter à la mairie, et compte sur le délai d’organisation des patrouilles de drones. Il faut faire très vite.

Le jeune garçon vit dans le Lot, un village au bord de la Dordogne, bien connu pour ses habitations troglodytes. Ce qui est moins connu, et même pas connu du tout, c’est le réseau immense de grottes et de galeries qui donne à la falaise l’allure d’une éponge. Le secret des entrées cachées est jalousement gardé par les villageois. Basile sait que là, tout sera à l’abri, et que ses amis vont faire de même.

Et les années passent.

Dans le village troglodyte, Nino, arrière-petit-fils de Basile, est songeur. Il pense à tout ce qui est caché dans la falaise. Comment faire pour que ces trésors puissent réapparaitre au grand jour ?

Le pays est gouverné exclusivement par le Présipote et son premier Sinistre. Personne d’autre. Ils ont tous les pouvoirs. Comment se débarrasser d’eux ?

Mais Nino est malin, il a une idée.

Le lendemain, il se rend au commissariat de police.

Il affirme sous serment avoir trouvé une cachette remplie de livres, des tonnes de livres, mais il refuse de dire le lieu, ne voulant le révéler qu’au Présipote lui-même.

Midi sonne quand il est conduit au Présipote, qui fait des bonds d’impatience, comme un enfant le matin de Noël. En chuchotant, Nino lui révèle que les livres sont sur une petite île, entre deux bras de la Dordogne, une île inhabitée et couverte d’une végétation exubérante. Il lui recommande de n’en parler à personne, sauf à son bras droit, car si cela se sait, les livres seront déménagés dans l’heure et la cachette vide. Et, cerise sur le gâteau, Nino assure qu’il trouvera aussi dans la cachette un registre avec les noms des propriétaires des ouvrages. Il propose de servir de guide, mais le grand homme refuse, et Nino se garde bien d’insister.

Le Présipote et son premier Sinistre ne trouvent au port qu’une toute petite gabarre, les autres bateaux semblant avoir mystérieusement disparu. En s’approchant de l’ile, ils voient des panneaux très anciens, mais ils ne savent bien sûr pas les lire. S’ils avaient su lire, ils auraient compris qu’ils entraient dans une zone de remous violents et dangereux.

Le premier Sinistre pousse alors un cri, s’apercevant que le bateau prend l’eau. Ils accostent juste à temps et tirent sur la rive la gabarre dont le fond part en morceaux. Mais que la gabarre prenne l’eau ou pas, une fois sur l’île, il est impossible d’en repartir, à cause des courants contraires.

Oh, Nino n’est pas sans cœur, sous les bancs de l’embarcation, les naufragés trouvent un matériel digne d’un Robinson. Et ils découvrent aussi… des livres, à commencer par une méthode de lecture ! Les livres ont été minutieusement choisis, de l’histoire de France, des sciences naturelles, de la poésie, beaucoup de poésie…

Au soir, les villageois font un immense feu, jetant dans le brasier tout ce qu’ils trouvent ayant appartenus à leurs anciens gouvernants. Sur l’île, on peut voir deux silhouettes gesticulantes, qui, au petit matin, ne ressemblent plus qu’à de lamentables pantins sans ficelles.

Lilas

 

Le cœur sur la main - Sylvie

Tout le monde le disait, il avait le cœur sur la main. Mais voilà, son cœur flanchait. Et sa main pendait au bout de son bras, inutile. Comment continuer à aider les autres, sans ce couple solide ? Avec son cerveau ? L’autre main ? Ni l’un ni l’autre n’en étaient capables. Alors, il construisit tout doucement, préservant son cœur, un petit chariot de bois sur des patins, car la saison d’hiver avait couvert son village d’une neige épaisse. Il y déposa sa main, son cœur, et parcourut ainsi les rues du village, tirant sa main ouverte sur son cœur.

Seuls signes de vie dans ce temps de neige, la fumée des cheminées ; la boulangerie, le café, étaient éclairés. Il s’arrêta longuement devant la boulangerie. Personne n’en sortait, si ce n’est la bonne odeur de la brioche du dimanche. Il parcourut les quelques mètres qui séparaient la boulangerie du café. Des éclats de voix, rires, cris, en sortaient. Il avança sur le seuil et fut bousculé par deux hommes qui sortaient en courant, s’invectivant l’un l’autre. En le voyant avec son attelage, ils s’arrêtèrent brusquement. Où vas-tu ainsi avec ton chariot ? Mais qu’emportes-tu donc ? Ton cœur sur ta main ? Comment ferons-nous si tu ne réponds plus aux appels des malheureux ? Ils sont toujours plus nombreux ici !

C’est parce que je ne veux perdre ni mon cœur ni ma main que je les ai couchés dans ce berceau. Tant que je pourrais les promener ainsi, vous pourrez compter sur moi. Ensuite, il faudra vous dévouer à votre tour. Ce n’est pas bien compliqué et ça donne de la joie. Demain c’est Noël, ce sera pour vous le moment de réfléchir à la façon de vous y prendre. Moi je resterai tranquillement chez moi. Je ne veux perdre ni mon cœur ni ma main.

Sylvie

 

Clara - Véronique

Il était une fois une petite fille prénommée Clara.

Elle vivait dans une vieille ferme avec ses grands-parents dans une vallée entourée de majestueuses montagnes.

On lui avait toujours raconté la même histoire au fil des ans, que sa Maman était morte en la mettant au monde et que son Papa était parti.

Clara était muette de naissance ; c’est peut-être pour ça que son Papa l’avait laissée ?

Autrefois, quand Pépé et Mémé étaient plus jeunes, ils s’occupaient de la chèvrerie, de la traite des bêtes, de la fabrication de petits fromages et de l’entretien journalier.

Mais les années passant, ils avaient laissé toutes les tâches à la charge de Clara.

Du soir au matin, Clara s’occupait de ses amies, ces petites chèvres de montagne si douces et affectueuses ; son seul réconfort…

Rien à voir avec ses grands-parents, qui depuis son adoption la supportaient plus qu’ils ne l’aimaient, lui reprochant inconsciemment la disparition de leur fille bien aimée.

Pour oublier son existence difficile, elle se réfugiait souvent en pleurant dans l’enclos des chèvres, recroquevillée dans la paille au milieu des bêtes.

Un matin, au petit jour, une grande chèvre d’un blanc immaculé s’approcha d’elle lentement.

Son regard était doux et rempli de bienveillance.

« Ne pleure pas Clara, je suis là pour t’aider à retrouver le sourire. »

Elle se leva d’un bond, croyant avoir rêvé.

La chèvre poursuivit :

« Non, tu n’es pas folle, c’est bien moi qui te parle et tu es la seule à comprendre mon langage. Il est temps que je te dévoile un secret ; ton Papa est venu à la ferme il y a quelques mois pour venir te chercher ; mais tes grands-parents ne l’ont pas laissé rentrer. »

Clara n’en croyait pas ses oreilles, toutes ces informations incroyables qui lui tombaient dessus !

« J’ai appris aussi qu’ils allaient se séparer du troupeau et le vendre à l’abattoir ; plus de temps à perdre, cette nuit nous devons fuir ensemble et libérer toutes mes sœurs de cette fin tragique. »

Le sourire réapparut sur le visage de Clara à l’idée de changer enfin de vie et de retrouver son père qui semblait l’attendre…

« Nous quitterons la bergerie à la nuit tombée et laisserons les portes ouvertes sur le côté pour que les bêtes puissent s’échapper. Prends une couverture, de quoi manger et ta petite timbale en argent que tu affectionnes tant pour pouvoir tirer mon lait. Le chemin sera long jusqu’à l’autre vallée mais nous y arriverons, je te le promets ! »

Clara, encouragée par cette amie prodigieuse et inattendue, passa la journée à préparer en cachette toutes les fournitures nécessaires à leur fuite prochaine.

Le moment venu, une fois les deux vieillards profondément endormis, elle rejoignit la chèvre blanche qui l’attendait et ouvrit les portes aux autres qui s’enfuirent en silence dans les pâturages.

« Allons-y ! Par là ! Il faut grimper par ce sentier qui monte au sommet. »

Clara passa en tête tirant la belle chèvre blanche derrière elle.

La pente était raide, le froid mordant, mais les paroles de réconfort de son amie donnaient à Clara un regain d’énergie pour pouvoir continuer malgré la faim, la peur et la fatigue.

Après une nuit de marche, elles arrivèrent au petit matin devant l’entrée d’une grotte.

« Nous nous reposerons ici à l’abri du froid. » dit la chèvre à Clara.

Elles passèrent plusieurs heures enchevêtrées l’une contre l’autre pour se réchauffer mutuellement.

Puis la chèvre de nouveau prit la parole :

« Tu vois le grand sapin là bas qui domine la vallée Clara ? Approchons nous de cet arbre, connu dans la vallée pour ses pouvoirs magiques … Sors de ton sac la timbale en argent et vient extraire un peu de mon lait que tu boiras lentement. »

Clara récupéra le lait dans la timbale et but aussitôt le liquide crémeux.

Une douce chaleur coulait le long de sa gorge accompagnée de petits picotements inhabituels en avalant… Quelle étrange sensation !!!

La chèvre observait la scène et lui dit :

« Maintenant Clara, ouvre la bouche et parle ! »

« Je …je…je pa…rle !!!!!!! JE PARLE !!!! Mais, mais, ça marche ! C’est un miracle ! » cria t-elle en larmes.

« Merci mille fois, merci » dit-elle en enlaçant son amie.

La chèvre laissa Clara se remettre de ses émotions puis lui dit :

« La route est encore longue Clara, il faut y aller. »

Les deux amies se remirent en marche pour atteindre au plus vite leur destination, le prochain village dans la vallée où habitait le Papa de Clara.

En chemin, elles tombèrent sur un jeune berger qui les guida vers un chemin escarpé menant au village et leur donna des indications pour pouvoir enfin atteindre leur but ultime.

A proximité de la maison, Clara aperçu un homme dans le jardin et le reconnut aussitôt grâce à la vieille photo jaunie retrouvée un jour, par hasard, au fond d’une malle du grenier.

Elle s’approcha, son amie toujours en laisse derrière elle…

L’homme leva les yeux et reconnu instantanément sa fille bien aimée accompagnée d’une magnifique chèvre blanche.

« Papa ! » dit-elle

« Clara ! » hurla son père accourant pour la prendre dans ses bras.

« Je te présente ma nouvelle amie » dit-elle en se retournant vers la chèvre, les yeux mouillés de larmes de bonheur.

« Elle se prénomme Liberté ! »

Véronique

 

Les clés du monde meilleur - Eric

Il était une fois

Dans un très grand pays

Un homme aux cheveux blancs qui avait consacré sa vie à atteindre son rêve.

Il le tirait maintenant derrière lui, et ses partisans l’acclamaient. Et lui il souriait.

Ils étaient des foules et des foules à lui avoir permis d’attacher ce rêve à sa corde.

Et il n’était pas question de le lâcher.

Pour ces foules et ces foules, ce rêve était aussi leur rêve de fierté retrouvée.

Car cet homme était bon, et il voulait leur bien.

Durant plusieurs années, ces foules et ces foules avaient été les otages d’un homme d’affaires qui s’était servi de ce même rêve à des fins personnelles.

Alors que ce rêve devait être partagé par tout le monde.

A cette heure, ce rêve avait la forme d’un trousseau de clés, et l’homme aux cheveux blancs ne voulait pas le perdre. Car ce trousseau de clés devait ouvrir la porte vers des rêves bien plus grands, la porte vers un monde meilleur. Alors il marchait sur les routes et traversait les villes en veillant bien que personne ne lui vole.

L’homme d’affaires, qui n’aimait pas les rêves de l’homme aux cheveux blancs, envoya des armées d’avocats pour que les clés lui soient rendues.

Il voulait contester les conditions qui avaient rendu ce rêve accessible.

Ce rêve d’un monde meilleur valait bien ceux de l’homme d’affaires, qui ne rêvait que d’une chose, que l’on parle de lui.

Plus il avançait, plus l’homme aux cheveux blancs voyait s’approcher la bonne porte, celle qu’il ouvrirait avec le trousseau de clés. Il pourrait ainsi entrer dans la maison toute blanche que l’homme d’affaires ne voulait pas quitter.

Voyant qu’il approchait, l’homme d’affaires envoya des foules et des foules sur les routes pour l’empêcher d’atteindre la maison toute blanche.

Car lui aussi avait des partisans.

Sinon il n’aurait pu avoir les clés du monde meilleur quelques années plus tôt.

Oui mais cette fois, ces clés, il les avait perdues bel et bien.

Les foules et les foules qui criaient sur les routes après l’homme aux cheveux blancs n’y purent rien changer.

Et les armées d’avocats contestataires se cassèrent les dents sur le règlement.

Au bout de deux longs mois, l’homme aux cheveux blancs parvint devant la porte.

La porte de son rêve à lui, celui d’un monde meilleur pour tout le monde.

Il prit la corde et détacha le trousseau de clés qui était bien fatigué d’avoir fait tout ce chemin.

Il ouvrit la porte de la maison toute blanche.

Quand il entra, des foules et des foules l’acclamèrent.

Mais l’homme d’affaires était resté à l’intérieur et il ne voulait pas partir.

Alors l’homme aux cheveux blancs prit la corde et la lança vers lui.

La corde fit deux tours bien serrés et le projeta vers la sortie.

L’homme aux cheveux blancs accompagna ce mouvement d’un bon coup de pied aux fesses.

L’homme d’affaires se retrouva le cul par terre.

Et la maison toute blanche se referma sous son nez.

L’homme aux cheveux blancs put enfin caresser son rêve

Et se mettre au travail pour un monde meilleur.

Eric

 

End FAQ

 

Pour les créer, vous pouvez aussi utiliser Twine.

Utilisez le tutoriel du Réseau Canopé réalisé par Lionel LAUGIER : ""Prise en main de Twine et création de sa première histoire"

 

Découvrez le conte dont vous êtes le héros réalisé par les médiathécaires grâce à Twine :

 

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