Découvrez les textes créés par l’atelier d’écriture de la médiathèque de Leuville.

La consigne était d'écrire un texte se terminant par la phrase suivante :
Elle irait peut-être au rendez-vous, qu'est-ce qui l'en empêchait après tout ?

 

Elle irait peut-être au rendez-vous - Christine

Plus que 4 semaines à attendre ! Dans sa tête tout s’entremêlait, entre le travail, son fils, son mari et ses parents. Anne-Lise soupira. Comment réussirait-elle à tout palier ? Après tout, elle n’était pas la seule et ne serait certainement pas la dernière à se triturer les méninges. Luc, lors d’une conversation, avait ouvert la boîte de Pandore. Elle ne s’en était pas rendue compte sur le moment tellement son esprit était envahi par le quotidien, mais nous le savons tous, notre inconscient la nuit se libère et c’est ce qui se passa pour elle. Elle se réveilla ce matin-là du 11 février avec ce rêve qui lui sembla totalement farfelu mais ses neurones l’avaient bien mémorisé jusqu’au plus profond de son âme. Sa journée débuta comme les précédentes avec les hurlements de Baptiste, Luc qui comme à l’accoutumée arpentait la maison à la recherche de sa sacoche et demain ce serait ses lunettes et… tout cela en ronchonnant. Ah, ces deux-là, il fallait qu’elle les aime !

Quand ce petit monde l’eut quitté, elle prit la route en direction de sa société. A un feu rouge, ses yeux furent hypnotisés par une affiche défraichie qu’elle n’avait encore jamais remarquée jusqu’à présent. Elle n’en revenait pas, comment était-ce possible ? Une coïncidence certainement ? Une semaine passa, machinalement, et comme tous les soirs en rentrant elle prit son courrier. Cette fois-là, il s’avéra que le facteur certainement pressé de finir sa journée avait déposé une liasse de publicités dans sa boîte alors qu’Anne-Lise l’avait estampillée d’un auto-collant « Publicité non merci ». Rageusement, elle ramassa le paquet, une feuille glissa et en l’attrapant au vol, elle se rendit compte que c’était la même chose. Elle était sidérée ! Etait-ce un signe ? Devait-elle s’y rendre ? Qu’en penserait son mari ? Elle voyait déjà Luc plié de rire lui dire entre deux soubresauts : « Non, toi, je rêve ! » Mais pourquoi n’essaierait-elle pas ? Ce pourrait être l’occasion de se prouver à elle-même qu’elle existait, qu’elle était un tout et pas uniquement une femme, une mère, une travailleuse.

Elle jeta d’emblée ce qui ne l’intéressait pas à la poubelle, et mit précieusement de côté ce petit flyer au fond du tiroir de la commode de l’entrée. Elle était la seule à y aller. Cela la tentait bien mais franchement, en serait-elle capable ? Et puis à quoi cela rimait à son âge ? Avait-elle besoin de faire ses preuves ? Qu’est que cela apporterait de plus dans son couple ? Oui mais plusieurs de ses connaissances s’étaient inscrites dans une association de ce type et en étaient revenues ravies. Est-ce que cela avait un sens ? Le lendemain, c’était son jour de repos. Elle aimait profiter de ce temps libre pour regarder la 2 : « Une Histoire, Une Vie ». Ses yeux s’écarquillèrent de stupéfaction. Ce sujet revenait sur le devant de la scène. Sans hésitation aucune, elle éteignit son poste, se redirigea vers le petit tiroir d’un pas décidé, prit le téléphone comme une automate, un soupçon d’hésitation néanmoins l’effleura encore, mais ne l’empêcha guère de composer le numéro. Au bout de quelques secondes, une femme décrocha : « Allo, Comédie Burlesque, à qui ai-je l’honneur ? »

Elle irait peut-être au rendez-vous, qu’est-ce qui l’en empêchait après tout ?

Christine T.

 

Jumelles - Véronique

Julie se pencha sur le clavier de l’ordinateur et tapa l’intitulé du mot de passe.

Sa sœur et elle avait le même, rien de plus normal pour des jumelles !

En entrant dans l’univers d’Anaïs par l’intermédiaire de son ordinateur, Julie sentait qu’elle se rapprochait un peu de sa sœur, en parcourant sa messagerie, ses favoris, l’historique de ses recherches sur la toile et ses coups de cœur musicaux…

C’était tellement vital pour elle qui restait seule à présent, aux côtés de ses parents démunis, désespérés depuis la disparition de sa jumelle, lors d’un tragique accident de la route.

Il y a 20 ans étaient nées deux petites poupées blondes aux yeux clairs identiques à tous points de vue, physique, physiologique et caractériel.

La naissance, l’enfance et l’adolescence s’étaient passé sans aucun souci et les petites s’entendaient à merveille pour la plus grande fierté de leurs parents comblés.

Julie sécha une énième petite larme qui daignait encore sortir malgré toutes celles déjà évacuées…

Elle avait été amputée d’une partie d’elle-même et souffrait atrocement depuis la date fatidique remontant à un mois…

Elle prit une grande inspiration et parcourut la messagerie du jour ; plusieurs lignes du même expéditeur, un garçon prénommé Enzo qui semblait avoir eu un coup de cœur pour Anaïs.

D’après les messages antérieurs archivés par sa sœur, les deux jeunes correspondaient déjà depuis plusieurs mois…

Le jeune homme s’inquiétait de son silence et la relançait tous les jours avec de plus en plus d’insistance en lui demandant un rendez-vous pour enfin la rencontrer.

Julie sourit et décida qu’après tout, cette substitution était possible et lui permettrait peut-être de surmonter sa douleur en prenant sa place dans le cœur de ce garçon…

Mais allait-il s’apercevoir de la supercherie ?

Pouvait-elle se le permettre et dans quel but ?

Refaire vivre sa jumelle à travers ses amoureux ?

Julie soupira, et pensa très fort à ses parents malheureux comme elle mais qui se battaient pour survivre malgré tout !

Elle irait peut-être au rendez-vous, qu’est-ce qui l’en empêchait après tout ?

Véronique C.

 

Qu’êtes-vous devenues ? - Evelyne

Le premier message était arrivé il y avait plusieurs semaines, maintenant. Un message privé à partir de son compte Facebook, qu'elle avait failli supprimer sans le lire en pensant qu'il s'agissait d'un spam comme tant d'autres. Ce qui l'avait arrêtée était l'utilisation de son nom de naissance, et surtout de son deuxième prénom, que peu de personnes connaissaient dans son entourage, et encore moins tous ces sites publicitaires ou demandeurs inconnus de toutes sortes.

L'émetteur espérait qu'elle avait bien été élève au Lycée Notre-Dame à Bourg-la-Reine dans les années 80 en section littéraire, plus précisément en Terminale A5 en 1984, et qu'elle avait bien eu comme amies alors trois filles qui s'appelaient Catherine, Sylvie et Marie-Ange. C'était par cette dernière qu'on avait obtenu le nom de son compte Facebook. Elle avait répondu à ce message en demandant qui la recherchait exactement et pourquoi.

Caroline7344 lui avait alors indiqué être la sœur de Catherine et habiter à Nantes. Elle souhaitait retrouver pour Cathie ses trois grandes copines d'alors, dont celle-ci se souvenait très bien car ce petit groupe alors très soudé avait été très important dans sa vie le peu de temps qu'elle avait passé en France.

Oui, Lise se souvenait bien que Catherine était arrivée de Tahiti en seconde, avec son père militaire qui changeait souvent d'affectation. Au lycée, elle était restée seule plusieurs jours, ne s'approchant pas trop des élèves et déjeunant sur un banc, avec un livre pour compagnie. Le trio l'avait alors intégrée et la petite équipe était devenue un quatuor inséparable, jusqu'au bac.

Catherine avait eu du mal à s'habituer aux façons de vivre françaises, coupée à l'adolescence de tous ceux qu'elle connaissait jusqu'alors. Sa petite sœur, collégienne de plusieurs années de moins qu'elle, s'y était faite plus vite et Cathie se sentait en décalage. C'est avec ses nouvelles amies qu'elle était passée de la pré-adolescence privilégiée dans une garnison tahitienne à la vie plus "dynamique" et bien moins protégée d'une ville de proche banlieue parisienne. À la fin de la terminale, sa famille était partie en Allemagne et, après deux ou trois lettres et quelques appels téléphoniques, elle n'avait plus donné de nouvelles.

D'ailleurs, les trois autres aussi s'étaient peu à peu perdues de vue, venant de villes différentes et suivant des parcours qui les avaient encore éloignées, et ces quatre pourtant grandes amies ne s'étaient plus contactées au bout de quelque temps. Le petit groupe qui lui avait été si cher et avec lequel elle avait imaginé tant de fois la vie qu'elles auraient toutes une fois femmes, toujours proches, avait éclaté en douceur, tout naturellement.

Sa vie s’était bien sûr poursuivie et elle avait eu d’autres amis, dont certaines et certains étaient toujours proches d’elle à présent. Cependant, durant toutes ces années, il était arrivé à Lise, lors de quelques épisodes nostalgiques, de regretter que ses amies aient disparu de son univers. Elle aurait aimé les rencontrer régulièrement, connaître leurs familles et voir leurs destinées évoluer ensemble.

En fait, Cathie était revenue vivre en France depuis quelques semaines seulement et avait demandé à Caroline de l'aider à retrouver les trois copines de ses 16 ans. Elle voulait savoir ce qu’elles étaient devenues et, si cela était possible, reformer ne serait-ce que pour une soirée (et pourquoi pas davantage ?) le quatuor qui l'avait aidée à mieux vivre ces trois années lycéennes, exilée qu'elle était de tous ceux qu'elle avait connus jusque-là.

Au cours de l'échange téléphonique qu'elles avaient eu après ces messages, Caroline avait appris à Lise qu'elle avait également trouvé Marie-Ange et Sylvie, toutes deux enchantées de cette initiative. La date et le lieu étaient fixés et il ne manquait que sa réponse à elle.

Lise avait dit à Caroline qu'elle ne pouvait pas lui confirmer sa venue tout de suite et qu'elle devait s'organiser.

En fait, elle se demandait quel intérêt aurait pour elle cette rencontre après tant de temps. Ces retrouvailles n'allaient-elles pas être décevantes, ou elle-même n'allait-elle pas décevoir les trois autres ? La curiosité et l'envie de retrouver ses complices d'alors, à qui elle avait pensé de temps en temps pendant la quarantaine d'années passées, l'avaient emporté sur ses doutes et elle s'était presque décidée. Elle irait peut-être au rendez-vous, qu'est-ce qui l'en empêchait après tout ?

Evelyne F.

 

Le rendez-vous - Jocelyne

Il était là, assis en face d’elle, décalé de trois sièges vers la droite à cette longue tablée de gala. Elle ne pouvait s’empêcher de l’observer du coin de l’œil. Cela se faisait-il de dévisager une telle personnalité sans déclencher un tôlé médiatique ou familial ? Elle préféra se montrer discrète.

Son visage entier était encadré de ce roux flamboyant qu’elle aimait et qui lui rappelait la couleur de la terre de ses ancêtres.

Elle aimait jeter son dévolu sur les roux ; ainsi sa mère parlait-elle d’elle. Comme si elle n’avait choisi de fréquenter que ce type d’hommes… Après tout, c’était peut-être les roux qui étaient attirés par elle ?

Pourtant, un instant, elle frémit en s’imaginant passer la main dans sa toison, chaque cheveu glissant entre ses doigts comme la terre poussiéreuse d’Afrique.

Il avait le cou large et musclé de ces hommes qui ont pratiqué le rugby mais derrière la force qui émanait de lui, elle distingua un petit quelque chose de retenu, une tristesse, une absence de liberté peut-être. Elle eut envie de lui dire : « Viens, fuyons ! Osons être nous-mêmes » mais la bienséance qu’imposait le moment ne s’y prêtait guère.

Leurs regards se croisèrent. Sans un mot, ils restèrent accrochés l’un à l’autre par ce lien invisible où ils semblaient faire connaissance ; une sorte de fluide passait entre eux et se sourire était si facile, si naturel. L’étincelle dans leurs yeux, tout à coup, parut plus vivante. Il en faut si peu parfois…

Ils réussirent à échanger quelques mots par-dessus les conversations de leurs voisins, des banalités, des présentations. Quand il lui proposa de but en blanc : « Je reçois quelques amis demain après le tournoi de polo. Me ferez-vous l’honneur de votre présence ? »

Meghan se laissa porter par le son de sa voix ; elle repensa à ce jeu de petite fille qu’elle faisait quand elle se déguisait en princesse avec le voilage des rideaux et l’embrasse dorée qu’elle nouait à sa taille ou qu’elle roulait en couronne au-dessus de sa tête. Cesse de rêver ainsi, la bousculait sa mère, et aide-moi plutôt à plier ce linge. Meghan savait déjà que sa vie était loin de ces préoccupations terre-à-terre ; elle se voyait chanteuse, actrice ou bien-même princesse, pourquoi pas !

Que pouvait-elle répondre à son invitation ? Qu’elle n’était plus une petite fille en quête de conte de fée ? Qu’elle avait déjà réalisé son rêve en devenant actrice ? Et puis, le monde des usages et des courbettes ne l’attirait pas. Que lui proposait-il ? D’aller serrer des mains à qui mieux mieux ou de se retrouver réellement entre amis loin de toute règle de bonne conduite ? Avait-il même seulement droit à une vie privée ?

Pourtant… cette soirée de gala aurait été mortifiante si elle n’avait pu plonger son regard dans celui de ce beau rouquin, la majeure partie du temps.

« Me ferez-vous cet honneur ? » répéta-t-il.

Le langage soutenu de cet homme le freinait dans son expression. Quel dommage, pensa-t-elle, de gâcher une si belle bouche par ces mondanités. Quelle devait être triste cette vie élitiste.

Elle repensa à sa pauvre mère pour qui elle avait éprouvé tant d’admiration. Comme elle avait dû se sentir seule et bridée. Meghan ne voulait pas finir encastrée sous un pont parisien. Elle était une femme libre.

« Bon Dieu, Meghan ! Dites-moi oui ! » s’exclama-t-il, ce qui fit grincer quelques dents alentour par l’usage du blasphème et le manque de distinction dans la formule.

Meghan l’observa, amusée. Harry semblait prêt à laisser parler sa personnalité coûte que coûte. Etait-ce là le Harry rebelle ? Cela lui plut profondément.

Elle irait peut-être au rendez-vous, qu’est-ce qui l’en empêchait après tout ?

Jocelyne D.

 

Persécution - Jacqueline

Il venait de la retrouver 40 ans après sur Copains d’avant , et Alice n’allait pas remercier sa copine qui l’avait inscrite à son insu sur ce site, soi-disant pour l’aider à crever sa bulle de célibataire trop paisible.

Le choc, quand il lui avait envoyé un mail ! Et ce flash-back sur sa première histoire de couple avec lui à 25 ans. A l’époque, elle s’était laissée embarquer par sa gentillesse, son regard de labrador épris. Elle l’avait prévenu cependant que ça ne durerait pas car elle ne l’aimait pas assez. En réponse, Daniel l’avait broyée dans ses bras en explosant de joie.

Ça n’avait pas été trop pénible ces 5 années de vie commune car il se déplaçait souvent et elle pouvait continuer à vivre sa vie, son sport, ses dîners de copines.

Un jour au restaurant avec ses amies, elle en avait croisé un autre, et celui-là, elle le voulut pour de bon.

Elle se remémora la scène de drame quand Daniel les surprit un soir. Puis son départ à elle en catimini et sa descente rapide à lui dans la dépression. C’est comme ça qu’on disait en ce temps-là.

Il lui arriva parfois au cours des années suivantes de se demander s’il avait pu reprendre le cours d’une vie heureuse, sans plus.

Quant à elle, elle suivit le sien durant quarante années avec celui qu’elle avait choisi. Mais les derniers temps, il y avait eu le poids éléphantesque de la lassitude installée, les scènes de ménage à répétition pour des broutilles et elle avait fui, une nouvelle fois.

Elle avait 65 ans maintenant et vivait seule depuis 4 ans. Et paf, le mail de Daniel venait de surgir comme un pavé dans la mare.

Elle hésita quelques semaines, mais un soir pas comme les autres, la curiosité l’emporta. Elle répondit. C’est alors que le piège ouvrit grand sa mâchoire d’acier.

Il lui écrivit très vite qu’il avait acheté un ordinateur pour la retrouver et que ses vœux avaient été exaucés (pas moderne le mec avait-elle pensé). Puis il lui envoya 50 photos d’elle en plein éclat de jeunesse les jours suivants, en lui disant qu’il en avait tapissé sa chambre. Qu’il savait dur comme fer qu’elle avait été son unique amour.

Il se raconta : son AVC peu après leur rupture, son handicap depuis : il se tenait aux murs pour marcher. Son boulot, qui l’avait licencié et sa revanche, quand il gagna un véritable pactole au tribunal.

Il disait avoir quand même trouvé le moyen d’avoir une vie comme les autres : il s’était marié et avait eu 2 enfants et 3 maîtresses. Sa femme ne lui adressait plus la parole depuis 10 ans, depuis qu’elle avait eu vent de ses conquêtes.

Heureusement sa vie intérieure était merveilleuse : elle était dédiée à Alice.

Alice découvrait, effarée, sa vie de marasme. Elle regrettait amèrement d’avoir répondu au mail.

Elle le remercia de sa confession et lui signifia qu’elle avait été contente de savoir ce qu’il était devenu et qu’elle ne souhaitait pas poursuivre plus en avant leurs échanges, puisque tout avait été dit.

Les mails continuèrent, 10 au moins par jour, de plus en plus insistants, enflammés. Elle ne répondit plus.

Il réussit un jour à trouver, Dieu sait comment, son numéro de téléphone fixe et l’appela. Sa voix était celle d’un centenaire, elle ne le reconnut pas et fut horrifiée.

Elle lui ordonna de cesser de l’importuner à l’avenir.

Il réussit encore à obtenir son adresse et lui envoya chaque semaine des liasses de photos d’elle, des bouquets de fleurs. Elle devenait hystérique.

Son adresse d’expéditeur figurait sur les colis, il habitait l’Auvergne.

Alors, à bout de nerfs, un matin, elle décida de contre-attaquer : elle écrivit une lettre recommandée à sa femme.

Elle lui raconta tout de leur petite histoire de jeunesse et le fait qu’il la harcelait désormais.

Elles se téléphonèrent au bout de quelques jours. Sa femme lui fut immédiatement sympathique et elle se confia à son tour : elle ne supportait plus Daniel depuis longtemps, il l’avait humiliée.

Elle n’avait jamais travaillé et elle aspirait au divorce, mais il lui fallait une raison sérieuse pour gagner et se tirer d’affaires avec des avantages financiers conséquents. Un divorce avec tous les torts pour Daniel serait la panacée. Elle avait des preuves et des témoins pour les maîtresses du passé et Alice était la chance du reste de sa vie pour le présent, la cerise sur le gâteau, si elle l’aidait en déposant plainte pour harcèlement.

Elle proposa un rendez-vous à la gare du Puy en Velay, le jeudi de la semaine suivante à 11 h.

En raccrochant, Alice demeura perplexe. Certes elle vivait une situation infernale mais de là à aider cette femme et porter un nouveau coup fatal à Daniel, c’était sûrement exagéré.

En même temps, c’était un fou, il fallait taper fort pour qu’il arrête son manège ! Elle hésitait.

C’est à ce que moment que le facteur sonna à sa porte pour lui livrer un nouveau colis, made in Auvergne. Le plateau de la balance pencha sérieusement d’un côté dans sa tête.

Elle irait peut-être au rendez-vous, qu’est-ce qui l’en empêchait après tout !

Jacqueline O.

 

Changer de vie ? - Sylvie

Son travail lui plaisait dans cette grande multinationale qui lui offrait une bonne rémunération, la sécurité de l’emploi, des méthodes managériales innovantes, des collègues sympathiques. Ce n’était pas très proche de son domicile, trouvé à la hâte après sa rupture avec Marie-Cécile, mais le trajet en autobus lui donnait du temps pour rêver ou préparer sa journée.

La séparation brutale, non voulue par lui, difficile à comprendre, l’avait laissé amer, interrogatif sur sa responsabilité. Triste aussi, il ne cherchait pas à se le cacher. Heureusement, ils n’avaient pas d’enfants. C’était peut-être aussi la raison de la discorde non exprimée, ni l’un ni l’autre n’avait formulé le désir clair de fonder durablement un foyer.

Cette situation l’avait fais se remettre en question. Etait-il si satisfait de son emploi ? Il lui semblait qu’à 40 ans, il était peut-être temps de se renouveler, de partir vers de nouvelles aventures, sous de nouveaux cieux, peut-être aussi vers une nouvelle compagne.

Tout cela n’était pas très précis : il n’avait pour l’instant pas vraiment de projet, ni sentimental, ni professionnel. Il n’avait jamais non plus cherché à s’investir dans la vie sociale, dans un sport ou un hobby. Tout compte fait sa vie n’était pas très riche hors du travail, son imagination était bien paresseuse ! Il lisait beaucoup pourtant, mais plutôt des ouvrages techniques liés à sa profession d’ingénieur informaticien, quelques livres de géographie ou d’aventures...

L’aventure, justement ! Ne fallait-il pas qu’il s’y lance d’une façon ou d’une autre ? Oui mais quoi ? Un nouveau métier ? Une autre région, voire un autre pays ? N’était-il pas trop vieux ? Il avait bien vu des émissions sur des gens qui changent totalement d’orientation et racontent leur bonheur, mais il n’avait pas envie de devenir éleveur en Lozère, menuisier ou boulanger ! Ces histoires ne le tentaient vraiment pas.

Alors quoi ? Il avait peu d’amis, ni parmi ses collègues, ni parmi ses anciens camarades d’études. Il pensa cependant à son copain Jérémy, qu’il voyait de temps en temps, mais qu’il avait un peu laissé tomber depuis qu’il était en couple. Jérémy, un joyeux luron, chaleureux, débordant d’optimisme, jamais à cours d’idées intéressantes, imaginatives ou quelquefois saugrenues. Jérémy n’avait pas une aussi belle situation que la sienne, mais les galères professionnelles, les déboires sentimentaux ne lui ôtaient pas sa bonne humeur, il savait rebondir.

Il décida de lui confier ses interrogations, et l’appela pour l’inviter à prendre un verre. Jérémy sembla très heureux de cet appel et lui proposa de venir chez lui, l’occasion de se rappeler quelques bons souvenirs de leur école d’ingénieurs, et de faire connaissance avec sa femme qui attendait un bébé.

Il accepta pour le dimanche suivant, n’ayant aucun projet, comme d’habitude.

Après des présentations très amicales, devant un apéritif original, une table chargée de bonnes choses plutôt exotiques, Jérémy l’interrogea d’emblée sur sa situation. Mis en confiance par l’accueil et le verre d’alcool, il se lança dans le récit de ses interrogations. Jérémy et son épouse Annie l’écoutèrent avec attention, lui posant quelques questions sur ses envies. C’est Annie qui lui demanda : « Aimerais-tu partir à l’étranger ? Je m’occupe d’une association humanitaire internationale qui recherche des gens compétents pour former des villageois à l’informatique, ce n’est évidemment pas payé comme dans ton job actuel, mais il y a d’autres satisfactions à en tirer ! Je peux t’organiser un rendez-vous avec ma collègue qui s’occupe des recrutements. Je suis sûre qu’elle te plaira et trouvera les mots pour te convaincre. Si tu veux je l’appelle. » Il n’osa refuser, et en quelques instants le rendez-vous fut pris pour la semaine suivante.

Il fut un instant perdu dans ses pensées. C’était décidément une véritable aventure que lui proposait Annie. Cela méritait réflexion, et il n’était pas sûr d’avoir l’état d’esprit nécessaire à un départ vers l’étranger, sans doute dans un pays difficile, ou tout au moins dans un lieu inconfortable, en comparaison de ce dont il disposait actuellement.

Il fallait voir. Il irait peut être au rendez vous, qu’est-ce qui l’en empêchait après tout ?

Sylvie M.

 

Le rendez-vous - Eric

Dans la descente, elle appuyait encore sur les pédales. Les virages bien serrés, mains en bas des guidons, c’était sa route. La chaleur était suffocante, le bitume devait friser les 50 degrés. Pas le moment de se rétamer, pensa-t-elle en dévalant la pente. En traversant la place Aragon, elle la vit noire de monde, les terrasses infestées de touristes, elle n’eut pas envie de s’y mêler. Elle enquilla vers le chemin douanier, là, elle serait tranquille, à cette heure-ci les promeneurs ne se bousculaient pas. Elle posa son vélo le long de la barrière, sans l’attacher, et commença à marcher. Ses pensées se baladaient. D’accord, il n’était pas si mal, même si un peu court sur pattes. Mais un mec de la bande à Manu, qui s’était fait toutes les pétasses de la ZUP, elle avait le droit de viser plus haut. En même temps quand la veille il s’était collé à elle après le feu d’artifice, elle n’avait pas détesté. Quelque chose de son odeur planait encore dans l’air, une moiteur parfumée d’essence. C’était signe d’émancipation, de danger, de liberté peut-être. Oui mais que diraient les copines ? C’était des coups à se trouver bien conne si on les surprenait. Même si le mec l’attendrait avec sa bécane sur ce rond-point pourri, elle n’était sûre de rien. Lisa ou Coralie pouvaient très bien passer là dans la caisse de leurs vieux pour aller remplir le caddie au Leclerc. Le mec était quand même un peu crado, avec ses Nike sans âge et sa marinière délavée. Elle consulta son smartphone, 13h45. Elle avait encore une bonne heure devant elle. Assez pour annuler. Elle relut son texto. Maxime. Elle n’aimait pas ce prénom, ça faisait trop bourge pour un lascar comme lui. Mais son invit’ était assez chiadée : demain aprèm si t’es dispo, on compte les cailloux ensemble sur la plage ? Original. Au bal il lui avait à peine parlé, juste souri pendant leur danse, tête dressée au-dessus de son épaule, on aurait dit un coq. Il avait l’air de s’en foutre qu’on les mate, surtout Manu qui ricanait bêtement en tirant sur son pèt’. Max avait l’air d’être avec elle, et seulement avec elle. Et ça elle aimait bien, ça la valorisait. Après tout, les mecs avec qui elle était sortie, c’était toujours pareil, des coincés de la langue qui pensaient qu’à se faire les trapèzes dans des salles de muscu à 1000 euros la carte. Maxime, lui, il était cash, et pas bégueule, s’il en pincait pour elle, ça rendait envisageable le frisson de l’aventure. Pour un premier amour, au moins ce ne serait pas tiède. Elle s’arrêta sur la rembarde, l’océan était plat, sans remous, presque silencieux. Elle tira une Lucky de son paquet, l’alluma. Derrière elle, deux chiens errants se reniflaient le trou de balle, sans agressivité. Et ça la fit sourire. Elle se dit qu’ils avaient bien de la chance de ne jamais se prendre la tête. 14h. Elle irait peut-être au rendez-vous, qu’est-ce qui l’en empêchait après tout ?

Eric R.

 

End FAQ

 

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