Découvrez les textes créés par l’atelier d’écriture de la médiathèque de Leuville.

La consigne était d'écrire un texte sur le thème :

Tout commencement a une fin, mais toute fin est synonyme de nouveau départ.

 

Clap de fin - Véronique

La pluie frappe avec insistance et régularité les carreaux de la fenêtre de sa chambre idéalement située face à la mer.

Elle aime ce climat océanique et les bourrasques de vent qui amènent avec elles ces embruns gorgés de sel et d’iode.

Elle regarde la mer en colère et ses vagues qui grandissent, protégée, bien au chaud, un mug de thé à portée de main et son chat qui ronronne sur son bureau, sa tête posée sur le clavier de l’ordinateur.

Elle se laisse imprégner par ces images de bord de mer et ferme les yeux pour mieux se concentrer.

Elle a été très étonnée par le succès de son tout premier roman.

Bien sûr, ça ne valait pas un Goncourt ou un Fémina, mais son éditeur semblait avoir été conquis par sa plume, au point d’accepter de la publier.

Elle se souvient de cette période heureuse l’invitant à poursuivre dans cette voie, celle de l’écriture.

Cela remonte à quelques années maintenant !

Grace au succès de ses romans suivants, elle a pu s’offrir la maison de ses rêves, si proche de la mer que le bruit des mouettes l’accompagne parfois au fil de sa création, lui procurant un détachement propice à l’imagination !

Elle a décidé aujourd’hui de s’atteler à son dernier chapitre mais hésite encore quant à l’issue de son histoire.

Il y a deux mois, lorsqu’elle a commencé à écrire, elle avait déjà en tête tous les personnages, le déroulé de l’intrigue avec une touche d’hémoglobine par ci, quelques bons sentiments par là, des moments d’intense émotion pour tirer peut-être quelques larmes à ses lecteurs, et au final la disparition du personnage principal qu’elle pensait inéluctable…

Oui mais voilà, c’était il y a deux mois…

Au fil des pages, elle s’est attachée à lui à force de le modeler, le façonner à sa guise, en faire un être extraordinaire comme celui dont elle rêve secrètement la nuit venue.

A ses yeux, ils forment, elle et lui, le couple idéal ; elle ne peut s’en séparer sans s’amputer d’une partie d’elle-même, se dit-elle.

Elle reprend une gorgée de son thé vert matcha préféré qu’elle fait venir du Japon, et caresse son chat espérant trouver un réconfort au contact de son corps doux et soyeux.

Il va lui falloir choisir maintenant !

Le laisser en vie à la fin du récit et s’en inspirer pour une suite dans son prochain roman ou l’abandonner définitivement et retrouver un peu de liberté ?

Lequel des deux sera prêt pour un nouveau départ ?

Véronique C.

 

On ne change pas de vie, on la continue - Evelyne

Ils avaient emménagé dans cet appartement à Versailles avec leur mère après le divorce de leurs parents.
Finie la grande maison familiale avec le terrain spacieux sur lequel ils avaient joué tant de fois avec leur copains, avec leur famille pendant une quinzaine d’années. Il avait fallu s’habituer à cette nouvelle vie dans une nouvelle ville, une nouvelle habitation, avec de nouveaux voisins, un autre établissement scolaire ; se faire de nouveaux copains sans perdre ceux avec lesquels ils avaient grandi malgré l’éloignement et leurs conditions de vie maintenant différentes.

Bien sûr, ils s’étaient adaptés. Leur mère avait fait de son mieux pour cela : chacun avait sa chambre malgré la petite surface de l’appartement et elle s’était aménagé un coin intime pour elle dans la pièce à vivre. Elle avait installé de nombreuses plantes sur le balcon pour constituer un écrin de verdure et les isoler un peu de tout ce béton. Il avaient pu continuer tous les deux à exercer les activités qu’ils appréciaient et avaient reformé des bandes de copains. Elle les avait emmenés à chaque fois qu’ils avaient demandé à rencontrer les anciens ou avait invité ceux-ci, souvent avec leurs parents qui étaient aussi restés ses amis à elle. Il était important pour tous les trois de ne pas se couper de tout ce qui faisait leur vie avant.

Les enfants avaient tous deux passé leur bac et mené à bien les études leur permettant d’entrer dans la vie professionnelle que chacun souhaitait : Ludivine était nouvellement diplômée d’une école d’œnologie à Paris et son jumeau Amaury venait de terminer sa formation en immobilier à Versailles.

Évoluer dans une grande ville, vivante et dynamique par rapport au village dans lequel ils avaient été élevés jusqu’à l’adolescence, avait sans doute contribué à ouvrir leurs esprits et favoriser leur indépendance. Le fait d’habiter dans un appartement les avait d’ailleurs aussi poussés à sortir le plus possible. Pour autant, vivre ensemble dans cet espace plutôt restreint les avait rapprochés. Ils avaient souvent eu tous les trois au cours de ces dernières années des discussions animées sur eux-mêmes, sur ce qu’ils faisaient, ce qui les entourait, leurs attentes, l’avenir qu’ils se construiraient…

Et voilà… Ludivine avait trouvé un emploi à la sortie de son école dans un restaurant de Montpellier grâce à sa marraine qui y habitait et Amaury venait de prendre un 3 pièces en colocation avec l’un de ses collègues de l’agence immobilière où il travaillait depuis plusieurs mois.

Tout cela s’était fait si vite, en quelques semaines. Leur mère, heureuse de la tournure que prenait la vie de chacun de ses enfants, se rendait toutefois compte avec un peu d’inquiétude qu’elle allait se retrouver seule.
Après s’être demandé si elle ne préférait pas repartir près du lieu où ils avaient vécu auparavant et où elle avait gardé des attaches ou se rapprocher de sa famille dans le centre de la France, elle avait finalement décidé de rester dans son appartement. La difficulté à trouver un nouvel emploi ailleurs à son âge avait calmé ses envies… d’ailleurs et tout compte fait, elle se plaisait bien ici maintenant. Elle aussi s’était créée une nouvelle « bande ».

Alors, elle s’était installée dans l’une des deux chambres de leur appartement et avait entamé des travaux pour le réaménager à ses propres goûts.
Ayant forcément davantage de temps pour elle-même, elle s’était inscrite à un cours de théâtre et participait maintenant aux exhibitions de la chorale dont elle faisait partie un peu partout en Île-de-France, ce qu’elle ne s’autorisait pas très souvent jusque-là.
Elle sortait de plus en plus avec ses copines, pour des journées de shopping parisiennes ou des soirées animées. Elle venait même de décider de partir une semaine en vacances avec ses deux plus proches amies et ne s’empêchait plus d’imaginer qu’elle pourrait rencontrer « un amoureux », comme le lui serinait Ludivine.

En même temps que ses enfants, elle commençait finalement une nouvelle vie. Chacun sa vie. Mais tous trois avaient déjà pris date pour se retrouver à Montpellier au week-end de l’Ascension ; ils auraient tant de choses à se raconter.

Evelyne F.

 

Tout commencement a une fin - Jocelyne

Tout commencement a une fin, mais toute fin est synonyme de nouveau départ. Vous avez quatre heures, précise l’examinateur.

Sylvie regarde autour d’elle : ses camarades d’examen ont déjà la tête penchée sur le sujet et leurs stylos commencent à griffer les pages blanches.

Dans quelques heures, ce sera la fin du concours d’entrée à l’école de journalisme, se dit-elle, mais pour le moment, je n’ai même pas le début d’une idée…

Tout commencement a une fin... se répète-t-elle ; il y a bien un roman qui s’intitule « L’histoire sans fin ». Mais quel en était le sujet déjà ? Je revois bien le gamin qui entre dans une bibliothèque et sa lecture qui l’entraine dans un monde fantastique mais sans souvenir de la suite, cette piste ne me mènera nulle part.

Elle réfléchit : bon, alors, c’est le mystère de la poule et de l’œuf. Qui était là au départ, la poule ou l’œuf ? Mais ce questionnement est sans fin puisque l’un mène à l’autre et l’autre à l’un. C’est comme le chien qui se mord la queue et tourne sur lui-même, visualise-t-elle. Ça n’a ni queue ni tête, ce sujet !

Son estomac émet alors un gros gargouillis qu’elle essaye de masquer d’un raclement de gorge. Elle a un peu mal au ventre. Elle repense à son déjeuner avalé avec difficulté et comment elle avait dû courir ensuite aux toilettes afin d’alléger ses intestins mis à rude épreuve par le stress.

En voilà une fin qui est un nouveau départ, se dit-elle. Ma tomate bien juteuse que j’ai consciencieusement mâchée et qui a ensuite fait son chemin dans mes viscères pour finir dans la cuvette des WC. Voilà bien un début et une fin, fin qui ouvre un nouveau cheminement sous une autre forme.

Sylvie se rappelle qu’elle vient justement de lire qu’au Québec, les Canadiens écolos vont jusqu’à composter leurs propres excréments afin d’enrichir leur terre de culture.

OK, j’ai mon idée de départ, mais comment faire quatre heures sur une histoire de m….. ?

Les mots ne venant toujours pas, elle prend un crayon et s’amuse à dessiner sur sa copie : un arbre aux beaux fruits, des graines tombées au sol, un oiseau qui les picore puis défèque ; un paysan qui récolte le précieux guano et le vend à l’usine, l’usine qui commercialise l’engrais que les maraichers du monde entier parsèment dans leurs vergers où poussent de beaux fruits… Un début, une fin, une nouvelle vie… tout est dans son dessin.

Sylvie relève la tête, regarde autour d’elle ses camarades d’épreuve concentrés puis le surveillant qui joue inconsciemment d’un pouce avec le bout de son nez…

Qu’est-ce que je fais ici ? se questionne-t-elle. J’ai suivi l’idée des parents qui me souhaitent une longue carrière, mais je n’y suis pas à ma place.

Elle sait bien qu’elle n’a pas les mots pour écrire, que ses propos à elle sont là, dans son dessin. Alors, elle prend son stylo et écrit sous son dessin : au début il y eut moi, l’élève sage et studieuse qui obéit à papa et maman. A la fin, il y a cette épreuve que je quitte car elle m’ennuie et ne me correspond pas. Et comme toute fin est un nouveau départ, je vous annonce que je veux devenir illustratrice.

Elle range son stylo, prend sa copie qu’elle tend à l’examinateur surpris.

- Vous avez fini ?

- Non, je commence, répond-elle.

Jocelyne D.

 

Et recommencer sans fin - Jacqueline

Combien de chemins ai-je empruntés ? Persuadée à chaque fois que c’était le bon... persuadée qu’avec un grand coup de reins au départ, j’allais ensuite glisser sur la pente douce de mon destin comme sur des roulettes, nez au vent et pâquerette fichée entre les dents du sourire !
Il y en a eu beaucoup, si je me retourne sur les années passées, tous parsemés de la même foi intangible à chaque fois.

Au tout début, mon passeport de réussite pour mes premiers élancements, c’était la naïveté de ma jeunesse, que ce soit dans mes projets ou en amour. J’y allais franco, sans souci du risque… je me disais « on verra bien », avec l’intime conviction que ça allait le faire, et ça marchait ! Je ne pressentais pas que l’ennui allait petit à petit faire son travail de sape.

Quelques années plus tard, mieux aguerrie, je me laissais quand même emporter par le frisson de l’aventure, parce qu’à mon sens, si on ne se laissait pas submerger par ses envies et ses sentiments, on passait à côté de l’essence même de son existence humaine. J’avais quand même la boîte à pansements sous le bras désormais, au cas où… et quand tout s’arrêtait, je me disais que c’était la faute à pas de chance, un point c’est tout.

Et je repartais, avec mon bâton de berger, vers une nouvelle vie, une nouvelle passion, faire mon Saint-Jacques de Compostelle, même s’il s’agissait souvent d’un Pierre ou d’un François en point de mire.
Je revenais les pieds et l’âme un peu plus écorchés, dame le temps passait et je cicatrisais moins bien…

Mais plus tard à nouveau, je recommençais tout en même temps : je changeais d’activités, d’amoureux et de région, pensant avoir fait le tour de la question, du pourquoi et du comment et qu’ailleurs un nouvel herbage, forcément plus vert, allait réjouir les veaux !
C’était toujours fort au début, excitant, avec des magnificences qui se gravaient en mon cerveau et des émotions à en défaillir. Et puis le soufflé finissait par retomber. Il me fallait changer de popote et revisser le couvercle sur mes désillusions, mâchonner vite fait les regrets pour qu’ils ne me pourrissent pas l’intérieur. Et me remettre en mouvement, toujours, ça je l’avais bien intégré.

A force, je suis devenue Miss mille expériences de vie. Mon corps est fatigué, meurtri de blessures car je suis tombée souvent, mais mon cœur s’est agrandi au monde, aux gens… et mon âme s’est élevée jusqu’aux nues où se trouve la compréhension des choses.

Mais encore aujourd’hui, je vous l’affirme, jamais vous ne m’entendrez dire « y’en a marre à la fin », car je sais que ça recommence infatigablement, puisque nous sommes inscrits au cœur du cercle vertueux de la vie.

Jacqueline O.

 

Le rendez-vous - Eric

   Tu fais tes bagages, le minimum du minimum. Il peut revenir d’une minute à l’autre. Tu repenses à votre rencontre, il y a huit ans déjà. Les enfants sont chez tes parents. Tout à l’heure c’était la scène de trop. Trop de mots qui font mal, trop de vacarme entre vous. Il y a huit ans, le premier regard à la sortie de ce concert, et si vite votre histoire, ton histoire. L’amour ne laisse pas le temps de réfléchir. Tu disais c’est ma vie, celle que j’ai choisie, avec cet homme-là, il a ses défauts comme tout le monde, mais c’est cet homme-là que tu avais dans la peau, pas un autre. Il est descendu faire le plein, et remontera bientôt. Le plein de bières ou de Lexomil peu importe, tu n’as pas posé la question de peur que ça dérape, que ce soit reparti pour un tour d’engueulade. Tu viens de te jurer que ce serait la dernière, que ces insultes-là, ni toi ni lui ne pourrez les effacer, qu’un tel dégré de cruauté ne pouvait admettre aucun retour. Les enfants ne sont pas là, c’est plus facile pour toi, tu pars seule, tu redeviens la femme que tu étais juste avant de le connaître. Il te faut bien penser à toi, sinon qui le fera ? Ce soir c’est la fin, tu ne répondras pas à ses appels, tu retourneras chez tes parents, ils sont prévenus, ils sont heureux et soulagés de ta décision, tu ne dois pas revenir dessus. Il faut que ça se termine, pour les enfants, même pour lui, mais non pour lui ça n’est plus ton problème. Combien de fois tu auras essayé d’arranger les choses, combien d’eau dans ton vin ? Mais quand on se heurte à un mur et qu’on le voit toujours plus haut, on ne peut plus avancer. Tu n’avances plus, il faut faire demi-tour, non, pas demi-tour mais changer de direction. Tu vas retrouver tes enfants, c’est la fin des vacances scolaires, vous allez rester ce qu’il faut de temps chez tes parents, et puis vous trouverez un nouveau logement, ça prendra le temps que ça prendra. Heureusement que tu n’es pas mariée, ce sera plus simple, les histoires de garde on verra, tu ne vas pas priver les enfants de leur père. Seulement toi, il ne faut plus que tu le voies, il ne faut plus que tu le voies dans l’immédiat, il est nocif pour toi, te fais devenir mauvaise. Ton sac est fermé, vite, chasser les derniers remords, la nostagie des débuts, ses pleurs à la naissance de Clara, vous trois souriants sur les photos, le bon temps est bien mort, maintenant c’est ce sac à descendre d’une main, et ta valise de l’autre, avant qu’il ne revienne. Non que tu aies peur de lui, il n’irait pas jusqu’à frapper, il en est bien incapable, mais ce serait encore des disputes et ça tu n’en veux plus, tu n’en peux plus de crier. Il faut que ça s’arrête. Tu vas passer par des moments difficiles, tu le sais, mais tes parents sont là, et tes amies, celles qui te sont restées fidèles, toi et les enfants ne serez pas seuls. Clara et Yann comprendront très bien, ils ont déjà compris, ça n’est plus supportable cette ambiance à la maison, pas un exemple à leur donner, tu le sais. Tu descends les marches, ouvre la porte sur la rue, ta voiture est là, ça tombe bien ce matin encore elle était au garage, le sac et la valise tu les jettes vite fait sur la banquette arrière. Tu regardes la maison, votre maison, avant de démarrer. Quand il constatera ton départ il essaiera de t’appeler, dans cinq minutes, dix minutes, dès ce soir il harcelera tes parents, il viendra tambouriner à leur porte pour pouvoir te parler. Il faudra tenir bon. Demain, après-demain, et tous les jours qui suivent. Tenir bon et commencer à ne plus y penser, petit à petit gagner du temps, chaque heure passée loin de lui te rapprochera d’autre chose. Cet autre chose tu le pressens, il n’est pas défini, tu ne sais pas de quoi il sera fait, et encore moins de qui, mais tu le perçois en accélérant sur la file de gauche en direction de l’autoroute. Il te caresse et te fait sourire en dépassant ce gros camion Olida que tu as vu tant de fois assise sur le siège passager, alors que lui conduisait. C’était hier, c’était il y a longtemps. L’air est frais sur ta nuque, les kilomètres défilent et ça n’est plus ton image figée que tu vois dans le rétro, c’est ta vie d’avant qui s’éloigne. Comme tout soudain te paraît simple, comme il te paraît évident qu’il suffisait de le faire, et que la suite irait de soi. Une fois une seule serait la bonne. Et c’est maintenant.

Eric R.

 

End FAQ

 

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